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Crise énergétique : le biogaz au secours de la France ?

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Face à la hausse des prix du gaz fossile et les risques de rupture d’approvisionnement en gaz russe, la filière française du biogaz, réunie ce 17 mars 2022, a plaidé pour un développement rapide de cette source d’énergie dans l’Hexagone. Avec le soutien de l’État, les professionnels estiment que le biogaz made in France pourrait compenser les importations de gaz russe à 100 % dès 2030.

L’Union Européenne fait face à une crise énergétique sans précédent, provoquée par l’explosion du prix des hydrocarbures, en particulier du gaz fossile, conséquence directe d’une reprise de l’économie mondiale, de la baisse des livraisons de gaz russe vers l’Europe, et des risques (réels) de rupture d’approvisionnement par Moscou.

Libérer la France de sa dépendance au gaz russe est une « urgence absolue »

Pour répondre à cette problématique à court terme, la Commission Européenne a présenté, le 8 mars 2022, le plan REPowerEU, une série de mesures visant à se passer totalement du gaz russe en 2030, et à réduire de deux-tiers les importations dès le début de 2023.

Vu de France, la dépendance aux hydrocarbures russes est plus faible que pour d’autres pays de l’Union Européenne, mais s'en libérer demeure, pour le gouvernement, une « urgence absolue ». En 2021, la France a consommé 475 TWh de gaz naturel. 99 % provenaient d’importations, dont 15 % venues de Russie, avec 70 TWh. La production nationale était majoritairement composé de biogaz, en l’occurrence du biométhane, avec 4,3 TWh injecté sur le réseau.

La filière française du biogaz veut couvrir la totalité des importations de gaz russe en 2030

Or, la filière française du biogaz estime que le recours à cette technologie peut, avec des investissements massifs, compenser dès 2030 la totalité des importations de gaz russe, avec une solution décarbonée. Rappelons-le en effet que le méthane issu de la putréfaction des matières organiques dans un méthaniseur aurait été de toute façon émis dans l’atmosphère, cette technologie consiste simplement à le valoriser. Qui plus est avec une technologie mature, possédant un modèle économique viable, et relativement simple à déployer rapidement.

La filière biogaz française affiche son dynamisme, avec une capacité maximale installée à fin 2021 de 6,4 TWh, soit l’objectif fixé par la PPE pour fin 2023. Le tout dans un contexte en partie plombé par une révision tarifaire à la baisse par l’État fin 2019.

Le gouvernement réduit le coût de raccordement des méthaniseurs

Aujourd’hui, le biométhane propose un prix (entre 50 et 90 euros le MWh) largement inférieur à celui du gaz fossile (135 euros le MWh), et la filière estime que c’est le moment, pour l’État, de donner un franc coup d’accélérateur. Les autorités publiques ont d’ailleurs fait un premier geste, ce 15 mars 2022, en relevant de 40 % à 60 % la pris en charge par les collectivités des coûts de raccordement aux réseaux de gaz naturel des nouveaux méthaniseurs.

«Nous devons rapidement réduire notre dépendance aux énergies fossiles, à la fois pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre et pour garantir notre indépendance énergétique. Le biométhane, gaz renouvelable, est une des substitutions au gaz naturel que nous devons encourager», a commenté la ministre de la Transition Écologique Barbara Pompili.

Trois mesures phares réclamées par la filière française du biogaz

Ce 17 mars 2022, les représentants de la filière du biogaz ont listé une série de propositions, détaillées par nos collègues d’Actu Environnement, qui permettraient d'augmenter rapidement la capacité installée sur le territoire métropolitain, en particulier dans les exploitations agricoles.

Le plan proposé par la filière s’articule autours de trois mesures phares, que l’État pourrait mettre en place :

  • raccourcir les délais d’obtention d’autorisation pour installer un méthaniseur ;

  • étendre le délai de mise en service au-delà duquel le tarif d’achat garanti est susceptible de baisser (pour l’heure, ce délai est de 3 ans) ;

  • garantir un tarif d’achat fixe pour les surplus de production, au-delà de la capacité autorisée du méthaniseur, pour pousser les exploitants à tirer le maximum de leurs installations.

Atteindre les 15 TWh de biogaz dès 2024

« Si l'État fait accélérer l'instruction des dossiers en file d'attente par ses services et garantit un dispositif de soutien stable, nous connaîtrons une forte accélération du nombre de nouveaux projets »,défend Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), qui estime que ces mesures permettraient d’atteindre une capacité de production de 15 TWh dès 2024 (soit au-delà de la fourchette basse fixée par la PPE pour 2028).

La filière biogaz appelle aussi à la mise en place rapide de plusieurs dispositifs de soutien déjà actés mais qui tardent à être officialisés, notamment les certificats de production biogaz (CPB), prévus par la loi Climat et Résilience, et le taux d'obligation d'incorporation de biogaz pour les fournisseurs à partir de 2023. Les deux décrets sont attendus pour la fin mars 2022.

Vers 70 TWh à horizon 2030 ?

Les professionnels du biogaz attendent aussi avec impatience les appels d’offre prévus par la PPE pour les installations de plus de 25 GWh/an, et les appels à projets pour développer l'innovation et convertir la mobilité lourde au bioGNV.

La filière estime que l’ensemble de ces mesures pourraient permettre de dépasser largement les objectifs de la PPE pour 2030, fixés entre 39 et 42 MWh, et atteindre les 70 MWh, soit l’équivalent des importations russes. Julien Tchernia, cofondateur et P-DG d'ekWateur, demande même au gouvernement d’aller encore plus loin, « pour que le biométhane soit considéré au même titre que l'éolien et le solaire », dans la vision stratégique à long terme de l'État.

Le biométhane : une énergie « pas intermittente », « décentralisée, mais pilotable »

« Le biométhane n'est pas une énergie intermittente, elle est décentralisée, mais pilotable, au même titre que le nucléaire ou les centrales à charbon. Mais une unité de méthanisation ne met que quelques années à sortir de terre, contrairement à un réacteur nucléaire », synthétise Grégory Lannou, directeur de l'association Biogaz Vallée.

La filière a coché dans son agenda le début des débats sur la nouvelle PPE, en juin 2022 : « Il ne faut pas seulement se contenter d'y inscrire des objectifs plus ambitieux, il faut aussi y inclure les moyens pour les accompagner et les atteindre », conclue Cécile Frédéricq, déléguée générale du syndicat France gaz renouvelables.

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