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Flambée des prix du gaz : un Conseil Européen pour rien ?

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Ces 21-22 octobre 2021, les chefs d'Etat des 27 membres de l'Union Européenne étaient réunis pour un Conseil Européen censé répondre à la flambée des prix du gaz naturel, qui pousse celle de l'électricité dans le marché européen. Divisés et manquant de leviers activables immédiatement sans bouleverser les marchés de l'électricité ou du carbone, les dirigeants européens ont accouché d'un communiqué renvoyant les Etats à la « boite à outils » publiée la semaine précédente par la Commission Européenne.

L'Union Européenne subit de plein fouet la hausse mondiale des prix du gaz naturel, qui a un impact direct sur ceux de l'électricité. En effet, le tarif de l'électricité sur le marché européen est aligné sur le prix marginal de la dernière capacité de production appelée ; le gaz étant (presque) toujours la dernière source appelée (la plus chère à l'usage), les prix de gros sur le marché de l'électricité dans l'Union Européenne sont fortement corrélés à ceux du gaz naturel.

Prix du gaz naturel dans l'Union Européenne : une action locale, mais pas de décision collective

Cette flambée des prix a poussé les Etats membres à prendre nombre de mesures d'urgence pour protéger les ménages et les populations, et limiter la hausse des tarifs du gaz et de l'électricité pour les particuliers et les entreprises.

Ce 21 octobre 2021, les dirigeants des 27 Etats membres se sont retrouvés pour évoquer, durant la première journée du Conseil Européen, cette question énergétique. Mais ils ne sont pas parvenus à s'entendre sur les leviers à activer au niveau européen.

Le Conseil Européen met en avant la « boite à outils » de la Commission

Leur communiqué final insiste ainsi très largement sur la « boite à outil », publiée mi-octobre 2021 par la Commission Européenne, et qui propose un éventail de solutions à mettre en place au niveau national, avec le blanc-seing de l'Union Européenne. Les Etats les plus touchés ont d'ailleurs déjà mis en œuvre certaines de ces mesures.

Ces boites à outil se compose essentiellement de solutions à court terme : chèque énergie pour les ménages modestes (financés notamment par les recettes du marché du carbone), étalement des paiements, interdiction des coupures, réduction de la TVA sur l'énergie, aide aux entreprises, meilleures informations des consommateurs.

Pas de refonte de l'indexation des prix de l'électricité sur ceux du gaz

La Conseil Européen s'est, en revanche, refusé à envisager une refonte des mécanismes du marché de l'électricité ou du marché du carbone européen (ETS), ou à mettre en place des réserves de gaz européennes pour faire face à des crises de ce type. De ce point de vue, il s'est plutôt aligné sur la position de pays rejetant toute réforme en profondeur du système énergétique de l'Union Européenne, comme l'Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède ou la Finlande.

Plusieurs Etats ont pourtant milité pour des réformes structurelles. Très combative sur le sujet du marché de l'électricité durant le conseil des ministres européens de l'économie, par la voix de son ministre Bruno Le Maire, la France d'Emmanuel Macron s'est faite plus discrète sur cette question, laissant le premier ministre espagnol Pedro Sánchez porter la revendication d'une remise en question des mécanismes d'indexation des prix de gros de l'électricité sur ceux du gaz.

Le marché du carbone en questions

La République Tchèque, la Pologne et d'autres pays de l'Europe de l'Est et du centre ont quant à eux mis en cause le mécanisme de l'ETS, accusant des spéculations extérieures d'être responsables de la hausse du prix du carbone en Europe (doublement en un an). La Commission Européenne rappelait une semaine auparavant que l'impact de la hausse du prix du gaz était « neuf fois plus important » que celui de l'ETS dans la crise actuelle.

Le communiqué final du Conseil Européen fait toutefois état de ces deux questions, en convoquant une enquête de la Commission Européenne sur « le fonctionnement des marchés du gaz et de l'électricité, ainsi que (sur) celui de l'ETS avec l'aide de l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) », en précisant que « par la suite, la Commission évaluera si certains comportements commerciaux nécessitent de nouvelles mesures réglementaires ».

Fit for 55

Pour le reste, plusieurs Etats ont profité de la flambée des prix du gaz pour avancer leurs pions sur certaines questions stratégiques. La Hongrie a notamment voulu remettre en question la feuille de route « Fit for 55 », un ensemble de mesures adoptées cet été par l'Union, afin d'atteindre l'objectif de réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serres de l'Union Européenne en 2030 par rapport aux niveaux de 1990.

Pays-Bas, Allemagne et Irlande voient au contraire dans cette feuille de route une réponse à la dépendance européenne au gaz, en particulier aux importations russes – une position discutable, tant le déploiement massif de renouvelables intermittents sur le réseau électrique impose l'usage de centrales immédiatement pilotables, en premier lieu les centrales... au gaz naturel.

Pour autant, le communiqué final rappelle bien l'objectif de neutralité carbone de l'Union Européenne, en écho aux propositions à moyen terme de la « boîte à outils », demandant aux Etats de l'Union de faciliter les investissements dans les énergies renouvelables et de développer les capacités de stockage.

Gazprom et nucléaire

La Pologne a d'ailleurs demandé à la Commission de déterminer si le comportement de la société d'Etat russe Gazprom a pu participer à la hausse des prix du gaz dans l'Union Européenne. Le Conseil n'a pas souhaité évoquer cette question dans son communiqué, mais la « boite à outil » demandait déjà des enquêtes sur de « brusques hausses des prix », d'éventuels ententes sur les prix et autres « pratiques anticoncurrentielles ».

La France, de son coté, a insisté sur la question du nucléaire, rappelant que l'atome avait un « rôle stabilisateur de long terme », pour pallier à l'intermittence du solaire et de l'éolien sans émettre du CO2. Dans sa conférence de presse de fin de sommet, le président de la République, Emmanuel Macron, a d'ailleurs noté que les Etats membres partageaient le constat « d'une nécessaire diversification des sources d'énergie », et que « le nucléaire doit évidemment faire partie du bouquet ».

Rendez-vous au prochain conseil des ministres de l'énergie

Sur le moyen terme, le communiqué du Conseil Européen s'est contenté d'une déclaration aussi générale que peu contraignante (et peu attaquable), à savoir que « le Commission et le Conseil devraient également envisager rapidement des mesures à moyen et à long terme, qui permettraient de contribuer à une énergie à un prix abordable pour les ménages et les entreprises ; d'accroître la résilience du système énergétique de l'UE et du marché intérieur de l'énergie ; d'assurer la sécurité d'approvisionnement et soutenir la transition vers la neutralité climatique, en tenant compte de la diversité et de la spécificité des situations des États membres ».

Le Conseil renvoie à la réunion extraordinaire du Conseil des ministres de l'énergie, ce 26 octobre 2021, pour avancer sur ces questions, puis au prochain Conseil Européen de décembre 2021. Rien de révolutionnaire à l'horizon, donc, et une double problématique (approvisionnement en gaz naturel et maîtrise des prix intérieurs de l'énergie) qui reste entière.

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