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L’Algérie interdit à l’Espagne de livrer du gaz algérien au Maroc

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Début février 2022, l’Espagne a annoncé son intention d’aider le Maroc à s’approvisionner en gaz naturel sur le marché international, en inversant le flux du Gazoduc Maghreb Europe (GME) et en lui laissant accéder à ses terminaux de GNL. Mais, dans un échange téléphonique révélé le 8 mars 2022 par le journal espagnol El Mundo, le ministre algérien de l'Énergie, Mohamed Arkab, a formellement interdit à son homologue espagnole d’envoyer du gaz algérien au Maroc. Il est de toute façon désormais peu probable, dans le contexte de crise énergétique actuelle, que l’Espagne se décide à inverser le GME.

En octobre 2021, l’Algérie, suite à la rupture de ses relations diplomatiques avec le Maroc en août 2021, n’a pas renouvelé contrat du Gazoduc Maghreb Europe (GME), qui permettait d’acheminer du gaz algérien en Espagne, via le Maroc et le détroit de Gibraltar. En échange du passage sur son territoire, l’Algérie livrait du gaz à son voisin marocain.

Le Maroc pris de cours par le non-renouvellement du contrat du GME

Depuis la fin de ce contrat, l’Algérie utilise exclusivement un second gazoduc, Medgaz, qui la relie directement avec l’Espagne. Les capacités de Medgaz étant inférieures à celle du GME, l’Algérie complète ses livraisons avec du GNL, regazéifié dans les terminaux méthaniers d’Espagne.

Pour le Maroc, la fin de ce contrat a été un coup dur énergétique, le pays disposant de peu d’alternatives pour se fournir en gaz naturel, puisqu’il ne dispose actuellement d’aucun terminal pour regazéifier du GNL (deux sont en construction), que le seul gazoduc qui le relie à l’étranger est le GME et que les champs gaziers découverts sur le territoire marocain ne produisent pas encore la moindre particule de gaz.

L’Espagne tend la main au Maroc, et provoque la colère de l’Algérie

Dans une volonté de détendre des relations diplomatiques brouillés avec le Maroc, l’Espagne a décidé de tendre la main au Royaume. Le 2 février 2022, le gouvernement espagnol a ainsi annoncé qu’il allait aider le Maroc à s’approvisionner en gaz naturel, en le laissant utiliser ses terminaux méthaniers de regazéification de GNL, puis en acheminant le gaz par le gazoduc Maghreb-Europe (GME), dont le cours serait pour l’occasion inversé.

Mais le gouvernement algérien n’a que modérément goûté cette annonce. Ce 8 mars 2022, le journal espagnol El Mundo relate un entretien téléphonique du 26 février 2022 entre le ministre algérien de l'Énergie, Mohamed Arkab, et son homologue espagnol, Teresa Ribera.

Le ministre algérien de l’énergie rappelle qu’aucune molécule de gaz algérien n’a le droit d’arriver au Maroc

Mohamed Arkab aurait fermement rappelé que le contrat gazier entre l’Algérie et l’Espagne stipule clairement, dans une clause, que Madrid n’a pas le droit de revendre de gaz algérien à un pays tiers. Le ministre algérien de l’énergie aurait ainsi prévenu « qu'aucune molécule de gaz algérien envoyée en Espagne ne devait parvenir au Maroc ».

Teresa Ribera aurait alors assuré qu’il n’a jamais été question de vendre du gaz algérien au Maroc, mais simplement de laisser un partenaire et un voisin utiliser des infrastructures pour se fournir en GNL sur les marchés mondiaux. Ce que le contrat entre Alger et Madrid n’interdit absolument pas.

Un coup de pression pour raffermir l’influence régionale de l’Algérie

Au-delà, ce coup de pression de l’Algérie est à comprendre dans un contexte de crise énergétique et de crainte européenne sur l’approvisionnement en gaz russe. De ce point de vue, l’Algérie est une des bouées de sauvetage possible de l'Union Européenne, et Alger a déjà assuré le gouvernement italien que l’Algérie pourrait fournir davantage de gaz en cas de rupture avec la Russie. La Commission Européenne négocie par ailleurs avec le gouvernement algérien pour augmenter ses livraisons.

Se sentant en position de force, il est bien possible qu’Alger ait envoyé un message à l’Espagne pour la dissuader de soutenir le Maroc, et ainsi renforcer, une fois de plus, son influence régionale grâce à ses hydrocarbures.

Certains analystes estiment ainsi que Madrid pourrait renoncer à inverser le cours du GME pour ne pas froisser les dirigeants algériens. Qui plus est dans le contexte actuel où les terminaux de GNL pourraient tourner à plein régime en cas de rupture avec la Russie.

Une réouverture du GME pour soutenir l’Union Européenne est-il une option réaliste ?

Certaines sources cités par El Mundo évoquent d'ailleurs des discussions en cours entre les autorités algériennes, marocaines et espagnoles, qui envisagent la possibilité, en cas de rupture de l’approvisionnement de l’Union Européenne en gaz russe, d’une remise en route du GME, dans le sens Algérie-Maroc-Espagne.

Une option certes hypothétique, compte tenu du froid glacial régnant entre Alger et Rabat, mais pas impossible si l’Union Européenne en a vraiment besoin, l’Algérie comme le Maroc tenant à raffermir leurs liens politiques et commerciaux avec les Vingt-Sept. Mais Alger ferait sans doute payer cette faveur très cher, aussi bien économiquement que diplomatiquement...

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