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Gaz fossile : la Turquie tend la main à la Bulgarie et se rêve en plaque tournante énergétique

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La Bulgarie et la Turquie ont signé, le 3 janvier 2023, un accord pour permettre à l’opérateur gazier bulgare d’avoir accès aux terminaux et réseaux de transits turcs. Ce contrat devrait faciliter la diversification des sources de gaz pour la Bulgarie, et éviter qu’elle ne se tourne à nouveau vers la Russie, comme l’avait demandé fin août son gouvernement de transition. Ankara, de son coté, a annoncé une hausse de ses réserves gazières en Méditerranée orientale, et se rêve, selon les mots de son président Recep Tayyip Erdogan, en « plaque tournante énergétique de la mer Caspienne, de la Méditerranée et du Moyen-Orient ».

Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Bulgarie se fournissait en gaz fossile presque exclusivement auprès de Moscou : Gazprom livrait chaque année 2,55 milliards de m³ de gaz à la Bulgarie, soit 85 % de sa consommation totale (3 milliards de m³).

La Bulgarie rompt avec le gaz russe dès avril 2022

Mais, en avril 2022, sous l’influence d’un premier ministre résolument pro-européenne, Kiril Petkov, la Bulgarie refuse de régler le gaz russe en roubles, et se voit privée de la précieuse ressource.

Depuis, le pays tente de diversifier ses approvisionnements gaziers. L’inauguration, en juillet 2022, de l’interconnexion gazière IGB, achevée à marche forcée, permet à la Bulgarie d’être reliée à la Grèce, à ses terminaux GNL et, surtout, au gazoduc Tanap/Tap, servant à acheminer vers l’Ouest le gaz d’Azerbaïdjan.

La capacité d’IGB est justement de 3 milliards de m³, et le pays a déjà signé un contrat d’approvisionnement pour 1 milliard de m³ de gaz azéri. Pour autant, la Bulgarie reste extrêmement vulnérable, et doit payer le GNL ou le gaz fourni par ses voisins européens au prix (très) fort.

Le gouvernement de transition bulgare entrouvre la porte à Gazprom

Qui plus est, fin juin 2022, le gouvernement de Kiril Petkov est contraint à la démission. Dans l’attente des élections d’octobre 202, le président de la République nomme un gouvernement de transition. Et le ministre de l'Énergie de ce dernier, Rossen Hristov, entame ouvertement des négociations avec Gazprom pour se fournir à nouveau en gaz russe.

Certes, la décision finale doit revenir au nouveau gouvernement, mais cette main tendue vers Moscou choque. Depuis, l’inoxydable Boïko Borissov (au pouvoir dans la majorité des gouvernements bulgares entre 2009 et 2021) et son parti de centre droit GERB plutôt pro-russe ont remporté les élections d’octobre 2022.

Aucun gouvernement n’émerge en Bulgarie, vers de nouvelles élections ?

Mais il n’est pas parvenu à réunir une coalition ayant la majorité des sièges à l’assemblée, échouant à former un gouvernement. Le président bulgare a donc chargé Nikolai Denkov, du parti réformiste pro-européen de Kiril Petkov, de tenter à son tour de former un gouvernement.

Il ne pourrait y parvenir qu’en réalisant une improbable coalition avec la gauche, un parti de centre-droit et le parti de Turcs et musulmans de Bulgarie. L’hypothèse la plus probable est donc la tenue de nouvelles élections (les cinquièmes en deux ans et demi). Impossible donc de savoir ce qu’il adviendra de la négociation avec Gazprom.

Accord entre la Bulgarie et la Turquie pour l’usage des infrastructures gazières turques

En attendant, c’est de la Turquie que la Bulgarie s’est rapprochée sur le front du gaz. Le 3 janvier 2023, l'opérateur gazier public bulgare Bulgargaz a ainsi signé un accord avec la société gazière publique turque Botas, lui permettant d'avoir accès aux terminaux gaziers et aux réseaux de transit turcs et ainsi d'« accroître la sécurité des livraisons » dans toute la région des Balkans.

« Nous pourrons ainsi acheter du gaz à tous les producteurs internationaux et le décharger en Turquie, là où cela nous convient le mieux au plan logistique », s’est félicité Rossen Hristov, toujours ministre bulgare de l'Énergie par intérim.

Le ministre turc de l'Énergie, Fatih Dönmez, a précisé que le contrat courrait sur les 13 prochaines années, et pourrait concerner jusqu’à 1,5 milliards de m³ de GNL transportés par an, soit la moitié de la consommation bulgare. De quoi pouvoir continuer de se passer de gaz russe ? Peut-être.

La Turquie veut devenir un acteur régional incontournable

Du coté de la Turquie, ce contrat s’intègre dans une volonté claire de faire du pays un hub énergétique incontournable, et ainsi renforcer sa puissance régionale.

La fin des provocations contre Chypre et la Grèce sur les forages gaziers en Méditerranée orientale, des négociations avec Israël pour acheminer la manne gazière de l’État hébreux vers l’Europe, et jusqu’à la volonté du président turc Recep Tayyip Erdogan de se poser en médiateur dans la guerre entre l'Ukraine et la Russie : la Turquie veut devenir un acteur incontournable de cette zone-frontière entre Europe, Asie et Moyen-Orient.

La Turquie augmente d’un tiers l’évaluation de ses réserves gazières en Méditerranée orientale

Et le gaz découvert en Méditerranée orientale pourrait bien être le bras armé énergétique de cette volonté géopolitique majeure. Justement, à l’extrême fin de l’année 2022, le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé que les réserves gazières offshore de la Turquie étaient un tiers plus importantes qu’escomptées jusqu’ici.

Le président a évoqué des travaux d’évaluation d’une société énergétique internationale, qu’il n’a pas nommée, et qui auraient revu à la hausse les réserves du champ de Sakarya (à 652 milliards de m³, contre 540 milliards de m³ auparavant), et découvert un nouveau champ offshore à proximité, aux réserves estimées de 58 milliards de m³. Soit, en tout, 710 milliards de m³ contre 540 milliards avant cette annonce.

Erdogan veut faire de la Turquie « la plaque tournante énergétique de la mer Caspienne, de la Méditerranée et du Moyen-Orient »

« Cette nouvelle découverte ouvrira la porte à de nouvelles. Nous commencerons à forer de nouveaux puits dès que possible », a indiqué le président turc. Il a surtout insisté clairement sur ses ambitions régionales.

« Nous sommes déterminés à faire en sorte que la Turquie soit la plaque tournante énergétique de la mer Caspienne, de la Méditerranée et du Moyen-Orient. Nous allons relier l'est et l'ouest, non seulement avec nos ponts (...), mais aussi avec des ponts énergétiques », a-t-il en effet affirmé.

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