Russie et hausse du prix du gaz naturel : une diplomatie énergétique en questions

Alors que les prix sur le marché du gaz naturel continuent de flamber, fragilisant l’approvisionnement de l’Union Européenne, les analystes s’interrogent sur le rôle de la Russie dans la situation actuelle. Certains estiment que Vladimir Poutine limite volontairement la fourniture de gaz russe à l’Union Européenne pour envoyer des signaux et mettre la pression à ses partenaires européens. Du coté de Moscou, le discours officiel se contente de critiquer les choix énergétiques de l’Union Européenne.

Les prix du gaz naturel ont connu une hausse historique en ce début d’automne 2021, qui fragilise en particulier l’Union Européenne, pénalisée par des stocks historiquement bas. Les chefs de l’Etat de l’Union (qui devraient évoquer largement le sujet lors du prochain Sommet Européen des 21 et 22 octobre 2021) ont ainsi tous décidé de geler le prix du gaz pour les ménages, afin d’éviter une hausse historique des tarifs. Le prix élevé du gaz tire par ailleurs vers le haut celui de l’électricité.

Quels facteurs expliquent la hausse vertigineuse des prix du gaz naturel ?

Les causes de cette hausse des prix du gaz sont connues, en particulier une reprise économique, notamment en Asie, plus rapide que prévue, mais aussi, selon Thomas Pellerin Carlin, directeur du Centre Énergie de l’Institut Jacques Delors, « un hiver très froid à la fois en Europe, en Russie et en Chine, couplé à un incendie dans une usine de gaz en Russie et des opérations de maintenance non prévues sur le réseau gazier norvégien ».

Certains analystes évoquent également le rôle de la Russie, et estiment que Moscou limite volontairement ses capacités d’exportation vers l’Union Européenne.

Dépendance de l’Union Européenne au gaz russe

L’Union Européenne est, en effet, fortement dépendante des importations de gaz naturel pour répondre à sa demande intérieure, et en particulier de gaz naturel russe, fourni intégralement par le géant d’Etat Gazprom. En effet, la part de la Russie dans les importations européennes de gaz n’a fait que croître entre 2008 et 2018, et dépasse aujourd’hui les 40%.

« La Russie est un géant gazier avec les plus grosses réserves prouvées, une production qui la classe au deuxième rang mondial derrière les Etats-Unis et possède la place de premier exportateur mondial », rappelle Francis Perrin, directeur de recherche à l’IRIS, à nos collègues des Echos.

La ministre US de l’énergie accuse Moscou de « manipuler » les prix du gaz

Certes, la Russie remplit actuelleent tous ses contrats à long terme avec les pays de l’Union Européenne. Mais les exportations nettes vers l’Europe sont en baisse par rapport à leurs niveaux de 2019. La ministre américaine de l’énergie soupçonne même Moscou de « manipuler » les prix du gaz.

En effet, maintenir des tarifs élevés sur le marché européen présentent plusieurs avantages stratégiques pour Moscou. Le premier est, bien évidemment, qu’il permet de vendre son gaz plus cher.

Mettre la pression sur l’Europe sur sa dépendance au gaz russe et sur Nord Stream 2

Mais la Russie y trouve d’autres avantages qui pourraient justifier une manœuvre volontaire, comme, selon Francis Perrin, «  de « punir » les Européens de tenter de diversifier leurs approvisionnements gaziers et de développer des projets d’importation de GNL » ou de pointer « l’incohérence de l’Union européenne qui crie haro sur les énergies fossiles, dont le gaz naturel fait partie, et qui, en même temps, réclame plus de livraisons de cette source d’énergie dont elle prétend vouloir se débarrasser ».

Ce prix élevé du gaz en Europe permet également à Moscou de montrer l’importance stratégique du très critiqué gazoduc Nord Stream 2. Achevé depuis le 10 septembre 2021, en remplissage depuis début octobre, ce pipeline devrait être mis en service courant 2021. Il permettra de doubler les capacités de transport de gaz naturel de la Mer Baltique vers l’Allemagne, pour les porter à 110 milliards de mètres cubes annuels. Nord Stream 2 permettra donc de fournir à l’Union davantage de gaz naturel russe, et donc de limiter les risques de pénurie et de flambée des prix. Tout en augmentant, et c’est son principal défaut, la dépendance européenne au gaz russe.

Vladimir Poutine met en cause les choix européens de privilégier le marché spot aux contrats à long terme

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, estime de son coté que la Russie n’a « absolument aucun rôle sur ce qui se passe sur le marché du gaz ». Le président russe Vladimir Poutine pointe quant à lui du doigt le choix de l’Union Européenne de préférer les achats de gaz sur le marché spot (plus volatil, donc plus intéressant quand les prix sont bas) aux contrats à long terme.

« La pratique de nos partenaires européens a confirmé une fois de plus qu’ils ont commis des erreurs. Nous avons discuté des précédents contrats de la Commission européenne et toute son attention était focalisée sur la suppression des contrats à long terme. Le but était une transition vers le marché spot du gaz. Et il devient évident aujourd’hui que ce choix était une erreur », a critiqué le président russe.

Moscou avance habilement ses pions

Bien entendu, ces différentes explications ne s’excluent pas mutuellement. Certes, la Moscou a publiquement déclaré que Gazprom était prêt à honorer toutes les nouvelles commandes que pourrait passer l’Union Européenne, pour peu que ces commandes soient « appropriées ».

Avançant habilement ses pions, Moscou s’est d’ailleurs dite « prête à parler de nouveaux contrats à long terme » avec les Etats de l’Union Européenne. Des contrats qui engageraient ces pays sur 25 ans, et pourraient rapidement entrer en contradiction avec l’objectif de neutralité carbone en 2050 affiché par l’Union. Au grand plaisir du président russe.

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A propos de l'auteur Nicolas Villiers

Jeune journaliste économique PQR dans le sud ouest, Nicolas Villiers se lance dans la rédaction Web à la faveur du lancement du gaz.fr.

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