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Bruxelles accuse Gazprom d'entrave à la concurrence dans le secteur du gaz

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La Commissaire à la concurrence Margrethe Vestager a confirmé le 22 avril que ses services allaient envoyer une notification des griefs pour violation de la loi antitrust au groupe gazier Gazprom. La commission européenne accuse la société gazière russe de lourdes charges, et l'enquête pour abus de position dominante ouverte en 2012 a débouché, ce 22 avril, sur une mise en accusation officielle de la compagnie russe. 

La commission européenne accuse la société gazière russe de lourdes charges et l'enquête pour abus de position dominante ouverte en 2012 a débouché ce 22 avril sur une mise en accusation officielle de Gazprom. La commission européenne accuse la société gazière russe de lourdes charges et l'enquête pour abus de position dominante ouverte en 2012 a débouché ce 22 avril sur une mise en accusation officielle de Gazprom. Elle estime que l'entreprise entrave la concurrence sur le marché européen du gaz dans pas moins de huit Etats membres : Bulgarie, République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne et Slovaquie.

De lourdes accusations

Le communiqué de Bruxelles indique que Gazprom y impose « des restrictions territoriales dans ses accords de fourniture avec les grossistes et avec certains clients industriels. [...] Ces restrictions consistent en des interdictions d’exportation et des clauses prévoyant l’utilisation du gaz acheté sur un territoire spécifique. » Concrètement, Gazprom interdirait à ses clients de revendre à des tiers les volumes de gaz surnuméraire achetés. Ces restrictions peuvent même aller jusqu'à « provoquer une hausse des prix du gaz et permettre à Gazprom de mener une politique de prix déloyale dans cinq Etats membres, facturant aux grossistes des prix beaucoup plus élevés que ses propres coûts ou les prix de référence. » Les plaignants demandent, à ce propos, que les prix du gaz soient indexés sur les prix du charbon, beaucoup moins volatils que ceux du pétrole.

Enfin, en Pologne et en Bulgarie, Gazprom tirerait profit de sa position dominante en subordonnant ses livraisons de gaz à l’obtention d’engagements distincts de la part des grossistes concernant les infrastructures de transport gazier. « Par exemple, les livraisons de gaz ont été subordonnées à des investissements dans un projet de gazoduc promu par Gazprom ou à l’obligation d’accepter que Gazprom renforce son contrôle sur un gazoduc », dixit le communiqué européen.

Le groupe russe a d'autant plus rapidement réagi que les rumeurs de mise en accusation courraient depuis deux jours. A travers un communiqué, Gazprom juge « infondées » les accusations de la Commission Européenne et considère qu'il « adhère strictement à toutes les normes des lois internationales et des législations nationales des pays où il fait des affaires. Les pratiques de Gazprom sur le marché européen, y compris les principes de fixation des prix, sont en conformité totale avec les standards observés par les autres producteurs et exportateurs de gaz naturel ». Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a, lui, dénoncé des pratiques « inadmissibles » de l’UE.

L’aboutissement d’une enquête ouverte en 2012

En septembre 2012, la commission avait ouvert une enquête formelle à la suite d'un dépôt de plainte de la Lituanie, sur des pratiques anticoncurrentielles. L'enquête, menée dans les huit pays précédemment cités, s'était suivie d'une discussion avec le groupe russe en vue d'un accord à l'amiable.

Sans résultat, l'enquête avait repris et la notification de grief aurait été prête dès l'automne dernier. José Manuel Barroso, alors Président de la Commission Européenne aurait bloqué ce dossier alors que les relations avec la Russie étaient déjà très tendues. Cette fois-ci, le feu vert a été accordé.

Un timing politique salué par les experts

Pour les experts de la concurrence européenne, Mme Margrethe Vestager a très bien géré le timing politique de son annonce et semble décider à la réveiller la politique antitrust européenne. Il faut rappeler qu'il y a tout juste une semaine, elle lançait officiellement des accusations d'abus de position dominante à un autre géant industriel, américain cette fois, Google. « La gestion du temps par Mme Vestager force l’admiration. La commissaire savait qu’elle allait être taxée d’anti-américanisme après son offensive sur Google, du coup elle sort les griefs contre Gazprom une semaine plus tard. L’histoire pourrait retenir avril 2015 comme le mois où les deux cas les plus édifiants de l’histoire de l’antitrust européen ont franchi une étape cruciale » selon Jacques Lafitte, membre du cabinet d’avocats Avisa.

Des conséquences diplomatiques inconnues

« Toute charge de ce type contre Gazprom risque d’être perçue comme des sanctions supplémentaires de l’Union européenne contre la Russie », avait prévenu, lundi 20 avril, une source russe. Cette annonce est faite au moment où les négociations entre Moscou, Kiev et Bruxelles sont à un tournant en ce qui concerne la livraison du gaz russe à l'Ukraine. "Le fait que l’UE passe à l’action maintenant n’est pas un hasard. La Russie n’est pas en position de force", selon un haut fonctionnaire européen alors même que la Russie bataille parallèlement avec la Grèce et la Turquie sur le projet Turkish stream.

Pour le patron du géant gazier russe, Alexeï Miller, il y a de fortes chances pour qu'au final, le consommateur européen finisse par payer son gaz beaucoup plus cher. "Nous sommes certains que rien ne brouillera les bonnes relations entre Gazprom et l’UE", a-t-il déclaré également dans le Financial Times. "Nous savons que le gaz russe ne sera pas remplacé." Il faut noter que globalement, les vingt-huit Etats membres de l’Union Européenne n’importent « que » 33% de leurs besoins gaziers depuis la Russie mais certains pays de l’Est en dépendent à hauteur de 100%.

Rejet d'un accord amiable

La bataille entre la Commission et la société russe débute tout juste. La Commission ayant rejeté, pour le moment, tout accord amiable, Gazprom va désormais pouvoir ajuster sa défense en ayant accès aux charges réunies contre lui. Le groupe a douze semaines pour répondre, alors qu'une procédure de conciliation peut intervenir à tout moment.

Au final, si la Commission n’est pas convaincue par les arguments de l’entreprise, elle pourrait aller jusqu'à lui infliger une amende allant jusqu’à 10 % de son chiffre d’affaires mondial. Le chiffre d'affaires de Gazprom s'est élevé à 93 milliards d'euros en 2013 alors que les résultats de 2014 n'ont pas encore été rendus publics.

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