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Plafonnement du prix du gaz dans l’Union européenne : un mécanisme utile ?

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Le 19 décembre 2022, le Conseil européen des ministres de l’Energie a adopté trois règlements concernant la crise énergétique, un sur les achats groupés de gaz, un sur l’accélération des renouvelables, et un dernier, le plus polémique, sur un plafonnement des cours du gaz fossile dans l’Union européenne, pour une durée limitée d’un an, à compter du 15 février 2023. Pour l’heure, la mesure peut sembler parfaitement inutile, le prix plafond s’établissant à 180 euros le MWh, soit bien au-delà des cours actuels, aux alentours de 70 euros le MWh. Pour autant, le mécanisme est un garde-fou, qui pourrait éviter une nouvelle explosion des cours cette année, en particulier quand il s’agira de (re)constituer des réserves pour l’hiver prochain, sans l’apport de gaz russe.

La mesure a été discutée, critiquée, elle est passé par des versions bardées de conditions si drastiques que son application relevait de la pure science-fiction. Mais, finalement, après de longues semaines de discussions formelles et informelles, les Vingt-Sept se sont entendus pour adopter un mécanisme de plafonnement temporaires des prix du gaz fossile dans l’Union européenne.

Les ministres de l’énergie des Vingt-Sept adoptent trois règlements le 19 décembre 2022

Cette mesure constitue le troisième règlement adopté le 19 décembre 2022 par le Conseil européen des ministres de l’Energie, aux cotés de deux autres beaucoup moins polémiques, validés depuis plusieurs semaines, et qui sont d’ailleurs entrés en vigueur dès le 30 décembre 2022.

Le premier réglement, « renforçant la solidarité grâce à une meilleure coordination des achats de gaz, à des échanges transfrontaliers de gaz et à des prix de référence fiables », met notamment en place des achats conjoints de gaz au sein de l’Union européenne. Il permettra à des entreprises gazières européennes d’effectuer des achats en commun, via un prestataire de service unique choisi d’ici fin janvier 2023.

Achats groupés, usages des infrastructures gazières, lutte contre les fluctuations intra-journalières des cours

Il permettra d’éviter, au moins en partie, que les États se fassent concurrence entre eux, et donc provoquent une flambée des prix, comme ce fut le cas notamment à l’été 2022, l’Allemagne étant à ce moment prête à acheter du gaz à n’importe quel prix ou presque. Les entreprises russes et le gaz russe seront exclus de ce mécanisme.

Ce règlement comporte également un volet sur les infrastructures de GNL et l’utilisation des gazoducs et des unités de stockage, afin d’assurer un approvisionnement de l’ensemble des États européens, en évitant, là encore, qu’une concurrence accrue ne prive certains pays de ces infrastructures vitales pour leur approvisionnement en gaz.

Le règlement assure également une certaine stabilité des cours du gaz fossile sur les marchés européens, en limitant les fluctuations intra-journalières de l’indice néerlandais de référence TTF, via un double mécanisme de prix-plancher et de prix-plafond, dynamique, mais évitant les fortes hausses ou les fortes baisses provoquées par une spéculation excessive.

Accélérer les EnR et, surtout, plafonner le prix du gaz fossile dans l’UE

Le second règlement adopté ce 19 décembre 2022 porte sur les mesures d’accélération des énergies renouvelables dans l’Union européenne, notamment via des simplifications administratives et des délais d’instruction réduits.

A coté de ces ensembles de mesures, faisant consensus depuis la réunion des ministres de l’énergie du 24 novembre 2022, le troisième règlement adopté ce 19 décembre 2022, "instaurant un mécanisme de marché pour protéger les citoyens de l’Union européenne contre des prix du gaz excessivement élevés" (le fameux plafonnement des prix du gaz) était assez loin de la première version déposée un mois plus tôt.

Un plafonnement si les cours du TTF dépassent 180 euros le MWh trois jours de suite

Loin des 275 euros par MWh trois jours de suite évoqués à l’époque, le niveau de déclenchement du plafonnement des prix est plus raisonnable – 180 euros le MWh. Il est assorti de garanties pour éviter « les perturbations sur les marchés ».

Pour que le mécanisme se déclenche, deux conditions doivent donc être respectées :

  • les prix du gaz fossile sur l’indice TTF pour livraison dans un mois doivent dépasser 180 euros le MWh pendant trois jours ouvrables consécutifs ;

  • les cours doivent dépasser de 35 euros le prix mondial moyen du GNL pendant les trois mêmes jours ouvrables.

Dit autrement : il faudra que les prix flambent, pendant plusieurs jours, et au-dessus des cours mondiaux, donc avec une spécificité européenne. Le mécanisme entrera en vigueur au 15 février 2023, pour un an : il s’agit d’une mesure d’urgence, pas destinée à se pérenniser. Le mécanisme sera par ailleurs désactivé en cas de risque sur l’approvisionnement gazier, ou de hausse de la consommation.

Avec un gaz européen à 70 euros le MWh, quel est l’intérêt d’un tel règlement ?

Avec des cours européen du gaz qui sont retombés, en ce mois de janvier 2023, à leur niveau d’avant la guerre en Ukraine, aux alentours de 70 euros le MWh, la pertinence d’un tel règlement peut interroger. A cours terme, d’ici la fin de l’hiver, il paraît hautement improbable qu’il se déclenche.

Pour autant, à plus moyen terme, il pourrait s'avérer utile. Les livraisons russes de gaz fossile devraient ainsi à nouveau considérablement baisser en 2023. De plus, la Chine pourrait bien sortir enfin du ralentissement économique provoqué par la dernière flambée de Covid-19, et acheter massivement du GNL sur les marchés mondiaux. Enfin, un printemps ou un automne rigoureux pourraient faire grimper la consommation européenne.

Un garde-fou en cas d’alignement négatif des planètes

Les conditions si particulière de cet hiver 2022-2023 ne se reproduiront pas. Et si la disponibilité du parc nucléaire français devrait grandement s’améliorer cette année, réduisant d’autant la consommation européenne de gaz pour produire de l’électricité, tous les autres voyants pourraient virer au rouge rapidement.

The Shift Projet rappelait fin 2022 que, sans la manne russe, l’Union européenne risque, sauf baisse drastique de sa consommation, de manquer de gaz pendant encore plusieurs années.

En clair : si les planètes s’alignent négativement, les cours du gaz dans l’Union européenne pourraient de nouveau flamber. De ce point de vue, les différents règlements adoptés fin 2022 devraient permettre, même dans le pire scénario, d’éviter des prix aussi incontrôlables que l’année dernière, et donc réduire d'autant le périmètre de l’aide publique pour éviter de noyer financièrement particuliers et entreprises.

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