Ce 21 janvier 2022, le ministère des Affaires étrangères du Qatar a annoncé la signature d’un accord avec la compagnie d’électricité de Gaza, pour ouvrir un compte de garantie assurant l’approvisionnement en gaz naturel israélien de la seule centrale électrique de l’enclave. Une étape supplémentaire dans la finalisation du délicat projet « Du gaz pour Gaza », qui vise à assurer une certaine autonomie électrique à la bande de Gaza, et implique notamment Israël, l’Autorité Palestinienne (AP), le Hamas, le Qatar, l’Union Européenne et l’ONU.
Voici des années que le projet d’alimenter en gaz naturel la centrale électrique de la bande de Gaza est dans les tuyaux. Si la situation militaire et politique reste stable dans l’enclave, ce projet, baptisé « Du Gaz pour Gaza » pourrait arriver à son terme dans les mois qui viennent.
Le Qatar en garant du Hamas pour permettre d’approvisionner la centrale au fuel de Gaza
Actuellement, la fourniture en électricité à Gaza est assurée par une unique centrale thermique, contrôlée par le Hamas, et fonctionnant au fuel importé. Mais le gouvernement d’Israël, considérant le Hamas comme un groupe terroriste, sans légitimité, refuse de traiter directement avec le groupe. La bande de Gaza est officiellement administrée par l’Autorité Palestinienne (AP), qui gère la compagnie d’électricité de Gaza, mais qui ne dispose, dans les faits, que d’un pouvoir réduit sur le territoire.
Pour autant, Israël a donné son accord tacite au Qatar, depuis 2018, pour verser aux dirigeants du Hamas des millions de dollars en espèce, à condition que cet argent soit exclusivement utilisé pour soutenir les populations, et pas la lutte armée contre Israël. Le Qatar joue ici un rôle délicat de garant diplomatique.
Pénurie d’électricité pour les populations gazaouies
Ces sommes permettent de financer des infrastructures, de soutenir les familles les plus pauvres, et de payer le fuel importé nécessaire au fonctionnement de la centrale du Hamas. Cela ne suffit pas pour autant à garantir l’approvisionnement quotidien de la centrale, qui connaît des coupures de 8 à 12 heures par jour.
Certaines familles disposent de générateurs domestiques, qui fonctionnent eux aussi au fuel, et sont donc dépendantes de l’approvisionnement en hydrocarbures pour les particuliers. Au total, la quasi-totalité de la population gazaouie ne dispose donc que de quelques heures d’électricité par jour.
Israël favorable à la conversion de la centrale au gaz naturel, avec le Qatar et l’Union Européenne comme intermédiaires
Malgré les tensions entre le gouvernement israélien et le Hamas, qui menacent de dégénérer à tout moment en affrontements armés, le gouvernement d’Israël semble favorable à une amélioration des conditions de vie des populations vivant dans la bande de Gaza. Mais sans vouloir se lancer lui-même dans des investissements ou dans la construction d’infrastructures dans une zone perçue comme à risque.
Pour autant, Israël a accepté le principe de fournir à la bande de Gaza du gaz naturel, issu de son gisement offshore Leviathan au large de ses côtes Sud-Ouest. Mais la réalisation des infrastructures et le paiement de ce gaz naturel nécessitent un intermédiaire, qui est, là aussi, le Qatar, soutenu par l’Union Européenne et l’ONU.
Deux accords d’importance pour construire les gazoducs fournissant du gaz naturel israélien à Gaza
En février 2021, les trois partenaires parviennent à faire signer deux accords internationaux, avec le blanc-seing d’Israël, sous la houlette de l’envoyé qatari à Gaza, Mohammed al-Emadi. Le premier accord, conclu entre la compagnie pétrolière israélienne Delek et l’AP, prévoit que la première fournira du gaz naturel à la seconde.
Le second accord concerne l’installation du gazoduc qui acheminera le gaz naturel d’Israël jusqu’à la centrale thermique. Le Qatar prendra en charge sa construction sur le territoire israélien, depuis le gazoduc acheminant le gaz de Leviathan vers le centre d’Israël jusqu’à la frontière avec Gaza. L’Union Européenne, de son coté, a promis les 20 millions de dollars de financement nécessaire pour aller depuis la frontière entre Israël et la bande de Gaza jusqu’à la centrale contrôlée par le Hamas. L’ensemble de ces travaux se feront sous surveillance et supervision de l’ONU.
Le Qatar met 60 millions de dollars sur la table
En décembre 2021, ces accords ont été confirmés par un nouveau protocole d’accord, signé cette fois entre le Qatar, l’AP, l’Union Européenne et la Compagnie d’électricité de Gaza, pour confirmer la construction de la partie israélienne du gazoduc par le Qatar : « le mémorandum d’aujourd’hui promet un engagement de 60 millions de dollars pour la construction du gazoduc allant d’Israël à la bande de Gaza », se félicitait à l’époque Mohammed Al-Emadi.
Le comité qatari s’était également entendu pour formaliser les mécanismes de fourniture et d’achat du gaz nécessaire au fonctionnement de la centrale électrique de Gaza. De leurs cotés, la compagnie d’électricité de Gaza et l’Autorité de l’énergie de Gaza s’engageaient à entreprendre les travaux de conversion de la centrale au gaz naturel, permettant de porter sa puissance à 500 MW.
Accord sur la création d’un compte de garantie par le Qatar, pour acheter le gaz naturel
Et, ce 21 janvier 2022, le ministère des Affaires étrangères du Qatar a annoncé la signature d’un nouvel accord, cette fois uniquement avec la compagnie d’électricité de Gaza, en vue de l’ouverture d’un compte de garantie, visant à couvrir les coûts relatifs à l’approvisionnement en gaz et à la production d’électricité.
Selon le communiqué annonçant l’opération, le Qatar sera le titulaire du compte et seul habilité à gérer les paiements. La compagnie de distribution d’électricité de Gaza déposera 5 millions de dollars par mois lorsque la centrale à gaz commencera à fonctionner. De quoi rassurer Israël, et permettre au processus de se poursuivre.
Si une nouvelle guerre n’embrase pas la région, la finalisation d’un accord définitif entre les différentes parties (officiellment Israël, AP, Compagnie d’électricité de Gaza, Qatar, Union Européenne, ONU, officieusement, Hamas) pourrait intervenir dans les mois qui viennent, donnant le feu vert aux travaux.