Récupérer le CO2 des centrales thermiques au moment de sa production afin d’éviter son renvoi dans l’atmosphère, c’est possible ! Si à terme, ce sont bien les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique qui devront résoudre le problème des émissions de CO2, c’est encore loin d’être le cas aujourd’hui. D’où l’intérêt de technologies comme la « Capture et stockage du CO2 », dite CSC, qui proposent, en attendant le tout renouvelables, de verdir les centrales thermiques.
Galvanisés par les COP21 et 22 de ces dernières années, nombreux sont les Etats qui annoncent leur volonté d’augmenter drastiquement la part de renouvelables dans leurs mix énergétiques. Le hic, contrairement aux centrales thermiques, les énergies vertes, ni souples, ni réactives aux pics de consommation d’énergie, ne sont pas encore en mesure d’assurer une fourniture constante d’électricité dans les réseaux. Plus généralement et au-delà de ce caractère intermittent intrinsèque, les énergies renouvelables ne sont pas à même de satisfaire, du moins en France, la demande énergétique. Le panorama français de l’énergie renouvelable pour l’année 2014 révélait que cumulées, les sources d’énergie verte représentaient 19,5% (91 TWh) de la consommation électrique de l’Hexagone. Un bien maigre bilan qui, au-delà de l’exemple français, contraint les Etats, du moins pour le moment, à envisager des dispositifs intermédiaires leur permettant de « verdir » leurs centrales thermiques se ménageant ainsi une période de transition nécessaire entre le tout thermique et le tout renouvelables.
Verdir les centrales thermiques?
La technologie « CSC », pour « Capture et stockage du CO2», est l’un de ces dispositifs. Applicable aux centrales thermiques émettrices de dioxyde de carbone (fioul, charbon, gaz), il consiste à piéger les molécules de CO2 émises avant, pendant ou après la combustion. Capturé avant la combustion (le combustible fossile est converti en gaz de synthèse et le CO2 est récupéré avant la combustion), après la combustion (au moyen de solvants) ou en injectant de l’oxygène plutôt que de l’air au cours de la combustion (procédé d’oxycombustion), le dioxyde de carbone extrait sous forme liquide ou gazeuse est transporté par pipeline, bateau, ou camion et stocké dans des formations géologiques du sous-sol permettant sa séquestration sur le long terme (de l’ordre de plusieurs siècles).
Les taux de capture de CO2 des usines équipées de dispositifs CSC sont impressionnants : 80 à 95% en moyenne. Et concrètement, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) estime que la technologie CSC pourrait contribuer à 20% des efforts de réduction des émissions en 2050. Un potentiel réel de réduction des émissions de gaz à effets de serre que ne doit pas mitiger la problématique du stockage du CO2 capturé. Selon le Global Carbon Project, 32 milliards de tonnes de CO2 ont été émises dans l’atmosphère en 2015. Or les sites géologiques identifiés représentent un potentiel de stockage de plus de 10000 Gigatonnes de CO2.
Une efficacité prouvée, un déploiement timide
Si leur efficacité est scientifiquement prouvée, à quoi donc attribuer le faible développement des dispositifs CSC ? Très certainement à leur coût. A un surcoût initial conséquent (40% du coût de production en moyenne), s’ajoute un surcoût d’exploitation (énergie nécessaire pour le processus de captation) qui peut atteindre 25% de l’énergie produite. Concrètement, cela représente une hausse de 50 à 100 euros supplémentaires par tonne de CO2 captée. Cher payé pour un coût moyen de la tonne de CO2 fixé, au sein de l’Union Européenne, à 6 euros en juillet 2014, selon un rapport publié la même année par le ministère français de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie.
Si la technologie CSC ne fait pas encore l’objet d’un déploiement à grande échelle, elle fait néanmoins quelques adeptes. En France notamment, EDF et ALSTOM ont lancé un projet pilote à l’automne 2013 sur une l’unité 4 de la centrale de charbon du Havre. En phase expérimentale, le démarrage de ce dernier a été concluant selon l’énergéticien. Outre-Manche, le gouvernement anglais a récemment débloqué 1 milliard de livres sterling (824 millions d’euros) pour financer un projet similaire sur le site écossais de Longannet. Les autorités britanniques espèrent équiper une vingtaine de centrales thermiques de dispositifs CSC d’ici 2020.
Efficace mais peu rentable, la technologie CSC est encore à un stade embryonnaire. Si certains comme Cyrille Cormier (chargé de campagne Énergie et Climat chez Greenpeace France) s’en félicitent, estimant que la lutte contre le changement climatique doit uniquement reposer sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, d’autres comme Daniel Clément, Directeur scientifique adjoint de L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), la considère comme une solution de recours indispensable. Difficile en effet de faire changer rapidement les comportements de pays comme la Chine ou l’Inde, qui continuent de construire de nombreuses centrales à charbon et qui émettront probablement encore du CO2 pendant des décennies. Difficile donc d’atteindre les objectifs d’émissions de CO2 à l’horizon 2050 sans CSC. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) lui-même, qui pointe dans son cinquième rapport une hausse dramatique des émissions de gaz à effets de serre à l’échelle mondiale, présente la CSC comme une technologie à envisager au sein d’un bouquet de solutions de lutte contre le changement climatique. A suivre.