Le géant italien de l’énergie ENI a annoncé dimanche la découverte du « plus grand » gisement offshore de gaz naturel en Méditerranée dans les eaux territoriales de l’Egypte. Un gisement qui pourrait permettre au pays de devenir auto-suffisant en gaz.
Le géant italien de l’énergie ENI a annoncé dimanche la découverte du « plus grand » gisement offshore de gaz naturel en Méditerranée, dans les eaux territoriales de l’Égypte. Le gisement pourrait représenter un potentiel de 850 milliards de mètres cubes, sur « un secteur de 100 kilomètres carrés ». Le communiqué exalté de la société italienne évoque un « champ de gaz super-géant » situé à 1450 mètres de profondeur. D’après le ministère égyptien du Pétrole, qui a confirmé l’information, « les opérations de développement » devraient durer quatre ans.
Le directeur général d’ENI, Claudio Descalzi, « s’est rendu en personne au Caire pour informer le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi de ce succès important, et discuter de la découverte avec le Premier ministre Ibrahim Mahlab », selon le communiqué de la compagnie. D’après le groupe, cette découverte pourrait également « devenir l’une des plus grandes réserves de gaz naturel au monde ».
La plus grande réserve de gaz naturel au monde ?
Ce gisement pourrait couvrir «les besoins en gaz naturel de l’Egypte durant des décennies». Selon les données sur la géophysique et sur les puits disponibles fournies par la société, le gisement, situé au large de la côte égyptienne près de Zohr, pourrait représenter un potentiel de 30.000 milliards de mètres cubes de gaz.
ENI souhaite délimiter au plus vite le gisement pour assurer son développement rapide en utilisant au mieux les infrastructures déjà existantes, en mer et à terre. M. Descalzi a estimé que « cette découverte historique sera en mesure de transformer le scénario énergétique d’un pays entier qui nous accueille depuis 60 ans ». Et malgré le prix du gaz, qui n’a jamais été aussi bas depuis deux ans et demi, cela ne dissuade pas la société italienne d’accélérer la cadence. M. Descalzi a annoncé qu’il espérait lancer les premiers forages dès le début de 2016, sans toutefois se prononcer sur la date de livraison des premières cargaisons de gaz, qui n’interviendront pas avant 2017.
Le gisement pourrait répondre aux besoins de ce pays de plus de 85 millions d’habitants alors que les importations de gaz naturel liquéfié (GNL) pèsent sur le pays et le placent dans une forte dépendance vis-à-vis de ses fournisseurs. Des coupures d’électricité importantes – comme la panne géante au Caire en septembre 2014 – frappent régulièrement le pays, surtout au moment des fortes chaleurs, quand les climatiseurs tournent à plein régime. Selon EDF, qui aide l’Egyptian Electricity Holding Company à améliorer ses performances, la demande excèderait de 20 % les capacités des producteurs locaux.
Le jackpot pour ENI
Preuve de l’importance de la découverte, le président du Conseil italien Matteo Renzi a téléphoné au président al-Sissi pour « discuter ensemble de l’impact de cette découverte sur la stabilité énergétique de la Méditerranée et sur les perspectives de développement de la région », a indiqué le palais Chigi.
Matteo Renzi en a profité pour féliciter ENI « pour cet extraordinaire résultat d’un travail de recherche qui s’insère dans le cadre des rapports entre l’Italie et l’Égypte, dans une optique de partenariat stratégique qui concerne plus généralement tout le continent africain ». La zone d’exploration « Zohr » est exploitée par ENI depuis 2004. Suite à un appel d’offre, dont elle est sortie gagnante, elle détient la licence d’exploitation à 100 %. ENI est déjà le principal producteur d’hydrocarburants du pays avec une production de 200.000 barils d’équivalent pétrole par jour.
Le groupe s’est lancé depuis des années, notamment en Afrique, dans d’ambitieuses campagnes d’exploration qui ont débouché sur des découvertes importantes, comme au Mozambique. Si celle qu’elle vient de faire en Méditerranée se confirme, elle dépassera largement ses objectifs en matière de nouvelles ressources en hydrocarbures.
La nouvelle ne pouvait pas mieux tomber pour le président égyptien, le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, au moment où son pays fait face aux menaces du groupe terroriste Etat islamique, à une crise économique lancinante, à une forte poussée démographique et à une demande en énergie croissante que ses ressources et ses infrastructures sont incapables de satisfaire.
Une très bonne nouvelle également pour l’Egypte
Les pénuries d’électricité récurrentes ont été l’une des causes de l’impopularité de Mohamed Morsi, le président issu des Frères musulmans, renversé par l’armée en juillet 2013. Ainsi, depuis, la réforme du secteur énergétique est présentée par son successeur comme l’un de ses chantiers prioritaires mais le manque de moyens financiers dont souffre le pays, l’empêche de se doter des centrales dont il a besoin.
Ces énormes ressources gazières de proximité devraient ainsi permettre d’alimenter de nouveaux moyens de production d’électricité, mais aussi de renforcer le tissu industriel du pays.
Cependant, et c’est le revers de la médaille, elles risquent aussi de retarder le plan de développement des énergies renouvelables, annoncé début 2015, pour soutenir la croissance et « respecter l’environnement » alors que près de 90 % de l’électricité consommée en Egypte est toujours issue des énergies fossiles.
C’est certainement un moindre mal pour le Président al-Sissi et son gouvernement, car l’exploitation de ce gaz, en offshore, peut permettre de garantir une certaine sécurité au moment où l’Egypte est le théâtre d’une vague d’attentats perpétrés par la branche locale de l’Etat islamique.