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Total se retire du projet Chtokman

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C'était dans l'air du temps mais c'est désormais officiel. La société française Totale s'est séparée de sa participation de 25% dans le projet gazier géant de Chtokman en la cédant à Gazprom qui en détient désormais la totalité. Le groupe avait acquis cette participation en juillet 2007 après un appel à candidature lancée par les autorités russes.

Gelé depuis deux ans, le projet gazier de Chtokman dans l'Arctique russe a pris encore un peu plus de plomb dans l'aile. Total a cédé ses 25% de participation à la société russe Gazprom. L'accord aurait été conclu entre le PDG de Gazprom, Alexeï Miller et le directeur général de Total, Patrick Pouyanné durant le Forum économique international de Saint-Pétersbourg.

Les relations entre les deux groupes demeurent cordiales tant leur collaboration est étroite sur bon nombre de projets mais en ce qui concerne directement Chtokman, Alexeï Miller a même déclaré que Total sera la première compagnie étrangère qu'il invitera à travailler avec son groupe.

Une décision mûrement réfléchie

Cette annonce n'est qu'une demi-surprise car la décision finale avait été prise dès l'an passé quand le groupe français avait enregistré une dépréciation de 350 millions de dollars dans ses comptes 2014 pour son futur retrait du projet car "le schéma technique de développement ne donnait pas une rentabilité acceptable."

La société Statoil avait provisionné un même montant lors de la cession de ses parts (24%) dans le projet en 2012, date à laquelle Total avait déjà réfléchi à sortir du projet. D'autant que la communication autour de celui-ci est très ambigüe. En avril 2013, Gazprom souhaité une mise en service du sondage pour les installations offshore en 2014, après le retard accumulé.

Un mois plus tard, le vice-Président de Gazprom n'excluait pas "que le champ sera développé par une génération future." Finalement le conseil d'administration décidait de poursuivre le développement du projet deux semaines plus tard.

Chtokman, projet maudit ?

Depuis sa découverte en 1998, ce gisement, le plus spectaculaire au monde connait nombre de péripéties. Le jeu en vaut certainement la chandelle puisque ce gisement, situé en mer de Barents, recèle 3.900 milliards de mètres cubes soit 2% des réserves mondiales. Mais situé à 500 kilomètres au nord des côtes russes, dans des zones glacées les trois-quarts de l'année, ce gisement se révèle incroyablement difficile, au moins techniquement, à exploiter.

Jamais un gazoduc sous-marin d'une telle longueur n'a été construit en milieu polaire et la distance par rapport aux côtes interdit aussi la rotation du personnel par hélicoptère, posant ainsi des problèmes logistiques supplémentaires. A l'origine, un bateau extrayant le gaz au large devait fournir le gaz, acheminé par ce gazoduc jusqu'à une usine de liquéfaction située près de Mourmansk. Une fois liquéfiée, une grande partie de ce gaz était destinée au marché américain. Mais c'était avant la grande époque du gaz de schiste.

Une rentabilité aléatoire vu les conditions actuelle

Financièrement, cela devient compliqué également. Le coût de son développement estimé initialement à 15 milliards de dollars, a déjà été revu à 30 milliards. Certaines sources parlent de 40 milliards. D'autant qu'il semblerait que les conditions fiscales du projet risqueraient de peser également sur la future rentabilité du site. Parallèlement, depuis sa découverte, l'explosion du gaz de schiste américain et la baisse de la demande mondiale ont assombri les perspectives sur le prix du gaz.

Pour Gazprom, il sera question de reprendre ce projet lorsque "la technologie ou les conditions de marché seront plus favorables." Un argument qui a pesé sur la décision de Total de se retirer du projet alors qu'il semblerait que les sanctions antirusses n'aient pas eu un impact majeur dans la réflexion du groupe français. Les experts sont néanmoins partagés sur cette question car l'impossibilité de financer des projets en dollars peut impacter lourdement un projet. "Le gaz qui aurait pu être extrait à Chtokman n'est pas concurrentiel dans les conditions actuelles" expliquait Mikhaïl Kroutikhine, partenaire chez le consultant RusEnergy.

Prévu à l'origine pour une mise en fonctionnement à l'horizon 2011 ou 2012, la date n'a cessé d'être reportée depuis lors et est actuellement fixée à 2019. D'ici là, Total a affirmé, comme l'explique la société dans un communiqué, "son intérêt pour coopérer davantage sur le projet s'il devait entrer en phase active."

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