Mercredi soir, les députés ont voté en faveur de la suppression des zones à faibles émissions (ZFE), à l’initiative du Rassemblement national et de la droite. Un vote qui provoque une onde de choc dans le camp écologiste et au sein du gouvernement, alors que la pollution de l’air reste un enjeu de santé publique crucial.
Une majorité transpartisane pour abroger les ZFE
Dans un hémicycle partiellement rempli, l’Assemblée nationale a adopté mercredi soir un amendement inattendu : la suppression pure et simple des zones à faibles émissions, ces périmètres urbains où la circulation des véhicules les plus polluants est restreinte. L’article, porté en commission par Les Républicains (LR) et le Rassemblement national (RN), a été approuvé par 98 voix contre 51.
L’alliance des voix du RN, de la droite classique, des députés de La France insoumise (LFI) et de quelques élus de la majorité présidentielle a permis l’adoption de cette mesure. Une majorité hétéroclite, unie sur ce point par la volonté commune de répondre à ce qu’ils qualifient de « contrainte écologique injuste » pour les Français les plus modestes.
Une décision anti ZFE dénoncée par le gouvernement
Dès le lendemain, la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a exprimé son indignation. Depuis le 1er juin, elle dénonce avec virulence ce qu’elle appelle « le cynisme » et « la démagogie » des parlementaires ayant soutenu cette suppression. « La pollution de l’air est un sujet de santé publique majeur », a-t-elle rappelé, en insistant sur les 40 000 décès prématurés qu’elle cause chaque année en France selon Santé publique France.
Pour le gouvernement, l’existence des ZFE s’inscrit dans les engagements européens de la France en matière de qualité de l’air, mais aussi dans une logique de protection des populations les plus vulnérables — les enfants, les personnes âgées et les malades chroniques.
Entre fracture sociale et impératif écologique
Pour les partisans de l’abrogation, la ZFE incarne une fracture territoriale et sociale. Dans de nombreuses métropoles, les ménages modestes possédant des véhicules anciens sont pénalisés, sans avoir les moyens d’acheter une voiture plus récente ou électrique. C’est notamment l’argument avancé par le RN et une partie de la droite, qui jugent la mesure « punitive » et « hors sol ».
Le député RN Laurent Jacobelli a salué « une victoire pour les classes moyennes et populaires », accusant le gouvernement d’imposer des restrictions écologiques déconnectées des réalités quotidiennes. De son côté, LFI a justifié son ralliement au vote en évoquant « une écologie populaire » qui ne doit pas « faire payer la transition aux plus pauvres ».
Un retour en arrière qui inquiète les experts
Pourtant, les spécialistes de la qualité de l’air et de la santé publique alertent sur les conséquences d’un tel revirement. Les ZFE, mises en place dans les grandes agglomérations comme Lyon, Paris ou Marseille, visaient à réduire les concentrations de particules fines et de dioxyde d’azote — des polluants issus principalement du trafic routier.
« Supprimer les ZFE, c’est accepter de continuer à exposer les citoyens à des niveaux de pollution nocifs », déplore un chercheur de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS). Les associations de santé, comme la Fédération française des associations respiratoires, redoutent une hausse des pathologies chroniques et un ralentissement des progrès accomplis ces dernières années.
Une instabilité réglementaire dommageable
Ce vote surprise risque également d’avoir des répercussions sur les collectivités locales. De nombreuses métropoles avaient déjà investi dans l’information, le contrôle et les infrastructures liées aux ZFE. L’incertitude juridique et politique pourrait désorganiser ces plans et fragiliser les stratégies locales de transition.
Par ailleurs, la suppression nationale des ZFE risque de mettre la France en porte-à-faux vis-à-vis de l’Union européenne. En cas de non-respect des seuils de pollution, le pays s’expose à des sanctions ou à une mise en demeure de la Commission européenne.
Quel avenir pour la politique climatique urbaine ?
Alors que la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, cette décision parlementaire soulève des interrogations profondes sur la cohérence de sa trajectoire. La transition écologique semble aujourd’hui prise en étau entre les exigences environnementales, les contraintes économiques et la montée des résistances politiques.
Le texte voté à l’Assemblée doit encore passer par le Sénat, où l’issue reste incertaine. Le gouvernement pourrait tenter de réintroduire les ZFE ou d’amender leur suppression lors de l’examen final du projet de loi. En attendant, ce vote marque un tournant symbolique : celui d’un repli environnemental dans un contexte de tensions sociales et électorales grandissantes.
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