Selon l’Agence internationale de l’énergie, le potentiel mondial de production durable de biogaz représente un quart de la demande actuelle de gaz naturel. Pourtant, à peine 5 % de cette ressource est aujourd’hui exploitée, freinée par des obstacles réglementaires, économiques et structurels.
Un gisement énergétique majeur, encore ignoré
Le 28 mai, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a publié un rapport intitulé Outlook for Biogases and Biomethane qui met en lumière le rôle clé que pourrait jouer le biogaz dans la transition énergétique mondiale. Selon ses estimations, le potentiel de production durable avoisine 1 000 milliards de mètres cubes par an, soit près de 25 % de la demande mondiale actuelle de gaz naturel.
Ce volume colossal souligne à quel point le biogaz — et plus particulièrement le biométhane — pourrait contribuer à décarboner le secteur de l’énergie, tout en réduisant la dépendance aux énergies fossiles. Pourtant, les chiffres sont sans appel : moins de 5 % de ce potentiel est aujourd’hui exploité.
Europe et Chine en tête de file du biogaz
Le développement du biogaz n’est pas uniforme à l’échelle mondiale. L’AIE souligne que l’Europe et la Chine sont les deux pôles les plus dynamiques en la matière. En Europe, plusieurs pays ont intégré le biogaz dans leurs stratégies climatiques et énergétiques, notamment l’Allemagne, la France ou encore les Pays-Bas. En Chine, les investissements se multiplient, en lien avec les objectifs de réduction des émissions et d’indépendance énergétique.
Mais au-delà de ces zones motrices, le reste du monde peine à adopter cette filière pourtant prometteuse. Les raisons sont multiples : retards administratifs, manque d’infrastructures adaptées et rentabilité économique encore jugée insuffisante.
Des freins persistants malgré un modèle viable
Le rapport de l’AIE met en lumière les principaux obstacles au développement du biogaz. L’un des plus flagrants concerne les délais d’obtention de permis, qui peuvent dépasser cinq ans dans certains pays. Cette lenteur décourage les investisseurs et compromet la viabilité financière des projets.
À cela s’ajoutent des coûts de production encore élevés en comparaison du gaz naturel fossile, notamment en l’absence de mécanismes de soutien suffisants. Pourtant, l’agence insiste sur le fait que la rentabilité du biométhane est déjà atteignable dans de nombreux cas, si l’on prend en compte les bénéfices indirects qu’il génère.
Le biométhane ne se limite pas à sa seule fonction de carburant ou de source de chaleur. Sa production permet également de traiter efficacement les déchets organiques, de réduire les émissions de méthane issues de l’agriculture et de produire des digestats pouvant servir d’engrais naturel, réduisant ainsi le recours aux fertilisants chimiques.
Ces co-bénéfices environnementaux et agricoles, souvent négligés dans les modèles économiques classiques, renforcent l’intérêt stratégique du biogaz. Selon l’AIE, une meilleure prise en compte de ces externalités positives pourrait suffire à rentabiliser les installations existantes et à accélérer leur développement.
Un appel à l’action politique
Le message principal du rapport est clair : sans une impulsion politique forte, le potentiel du biogaz restera largement inexploité. L’AIE appelle les gouvernements à simplifier les procédures d’autorisation, à mettre en place des mécanismes de soutien adaptés — tels que des subventions, des tarifs de rachat ou des crédits carbone — et à intégrer le biogaz dans les stratégies nationales de transition énergétique.
L’Agence souligne également l’importance de la planification à long terme et de la coordination entre acteurs publics et privés. L’exemple de certains pays européens montre qu’un cadre réglementaire clair et stable peut considérablement accélérer les investissements dans la filière.
Le levier du biogaz sous-estimé pour la neutralité carbone
Dans un contexte de tensions géopolitiques sur les marchés de l’énergie et d’urgence climatique, le biogaz apparaît comme une solution locale, renouvelable et circulaire. Il offre une réponse concrète à la fois aux défis de sécurité énergétique, de gestion des déchets et de réduction des émissions.
Mais pour qu’il puisse jouer ce rôle à l’échelle mondiale, un changement d’échelle s’impose. Actuellement marginal, le biogaz pourrait, avec les bonnes incitations et une vision stratégique claire, devenir un pilier central des systèmes énergétiques durables.
L’AIE conclut qu’il faut agir dès maintenant. Si les promesses sont immenses, l’inaction ou les demi-mesures risquent de condamner cette opportunité à rester théorique. Le biogaz a le potentiel, mais il reste à lui donner les moyens de le concrétiser.
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