
Mardi 4 mars dernier, à l’occasion de son premier discours devant le Congrès depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump a annoncé la relance d’un projet pharaonique de gazoduc en Alaska. Ce projet, baptisé « Alaska LNG », vise à acheminer d’importantes réserves de gaz naturel du nord de l’Alaska vers le sud de l’État, près d’Anchorage, sur une distance de près de 1 300 kilomètres. L’objectif est de liquéfier ce gaz (GNL) pour l’exporter ensuite vers l’Asie, en partenariat avec des pays comme le Japon, la Corée du Sud et d’autres nations asiatiques.
Un projet anachronique dans un contexte de transition énergétique
Cette annonce intervient dans un contexte mondial où la transition vers des énergies renouvelables est devenue une priorité pour lutter contre le changement climatique. En 2023, lors de la COP28 à Dubaï, un consensus international, incluant les États-Unis, a été signé pour limiter le réchauffement planétaire en réduisant la dépendance aux énergies fossiles. Pourtant, Donald Trump semble déterminé à relancer l’extractivisme sur le sol américain, invoquant une prétendue « urgence énergétique ».
Le projet « Alaska LNG » prévoit de transporter plus de 100 millions de mètres cubes de gaz naturel par jour, destinés à être exportés vers l’Asie. Bien que cette initiative soit présentée comme un symbole de la puissance énergétique et économique des États-Unis, elle soulève de nombreuses questions quant à sa faisabilité et son impact environnemental.
Un projet vieux de plusieurs décennies
L’idée de construire un gazoduc en Alaska ne date pas d’hier. Elle remonte à 1967, lorsque d’importantes réserves de gaz et de pétrole ont été découvertes sur la côte nord de l’État. Un premier projet avait été envisagé à la fin des années 1970, mais il avait finalement été abandonné. Dans les années 2000, Sarah Palin, alors gouverneure ultra-conservatrice de l’Alaska et future figure du Tea Party, avait relancé l’idée, attirant l’intérêt de grands groupes pétroliers comme BP, ExxonMobil et Gazprom. Cependant, le projet avait une nouvelle fois été mis de côté pour des raisons financières.
Aujourd’hui, Donald Trump reprend le flambeau, soutenu par le groupe américain Glenfarne, avec l’objectif de mettre en service le gazoduc d’ici 2030. Le coût total du projet est estimé à 41 milliards d’euros, une somme colossale qui suscite des doutes quant à sa viabilité économique.
Des partenariats asiatiques incertains
Le président américain a affirmé que plusieurs pays asiatiques, dont le Japon, la Corée du Sud et les Philippines, se sont montrés intéressés par le projet. Il a notamment déclaré que le Japon s’était engagé à acheter « des quantités records » de gaz naturel américain. Cependant, ces déclarations restent pour l’heure sans fondement concret, aucun de ces gouvernements n’ayant officiellement confirmé de tels engagements.
En réalité, les déclarations de Trump semblent souvent relever de l’affabulation, une pratique à laquelle il nous a habitués. Aucun investissement massif n’a été annoncé par les pays concernés, et la faisabilité du projet reste à prouver. De plus, malgré son désir de relancer l’exploitation des énergies fossiles, Trump ne dispose pas d’une totale liberté d’action. Certaines associations de défense de l’environnement ont déjà saisi la justice pour contester ses décisions, rappelant que toute levée d’interdiction de forages nécessite l’aval du Congrès.
Un projet à l’avenir incertain
En 2019, lors de son premier mandat, un juge fédéral de l’Alaska avait déjà déclaré illégale la décision de Trump de lever une interdiction de forages pétroliers dans l’Atlantique, une mesure initialement mise en place par Barack Obama. Cette fois encore, le projet « Alaska LNG » pourrait faire face à des obstacles juridiques et environnementaux.
Alors que Donald Trump présente ce gazoduc comme un nouveau trophée de sa présidence, symbolisant la grandeur énergétique des États-Unis, les doutes persistent quant à sa réalisation. Dans un monde de plus en plus conscient des enjeux climatiques, ce projet apparaît comme un anachronisme, voire une provocation, face aux efforts internationaux pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.