Actualités sur le gaz : exploration et extraction, acteurs, technologie, consommation, ...

L’Espagne va aider le Maroc à se fournir en GNL, via le GME

Maroc Espagne Algérie GME GNL fourniture Front Polisario
Rédigé par

Ce 3 février 2022, le gouvernement espagnol a annoncé qu’il allait aider le Maroc à s’approvisionner en gaz naturel, en le laissant utiliser ses terminaux méthaniers de regazéification de GNL, puis en acheminant le gaz par le gazoduc Maghreb-Europe (GME). Ce geste va aider le Maroc à trouver des fournisseurs sur le marché international, et devrait aider à apaiser les tensions diplomatiques entre Espagne et Maroc.

Les relations diplomatiques entre l’Espagne et le Maroc se sont considérablement tendues au printemps 2021. Gravement atteint du Covid-19, Brahim Ghali, le leader du Front Polisario (le mouvement qui proclame l’indépendance du Sahara Occidental, ex-colonie espagnole revendiquée par le Maroc), est transféré dans un hôpital algérien à Madrid, en avril 2021, où il est enregistré sous pseudonyme.

L’accueil de Brahim Ghali, président du Front Polisario, tend les relations entre Espagne et Maroc

Ex-représentant du Front Polisario en Espagne et actuel président de la République arabe sahraouie démocratique, Brahim Ghali serait arrivé en Espagne avec un passeport diplomatique, selon le quotidien espagnol El Pais, quand des médias marocains affirment qu’il serait venu avec un faux passeport.

Ce soutien à un homme considéré par le Maroc comme le chef d’une organisation terroriste provoque un scandale diplomatique. Entre le 17 et le 20 mai 2021, 10 000 migrants arrivent dans l’enclave espagnole de Ceuta, située au Maghreb, face aux côtes espagnoles, point d’entrée privilégié de nombreux migrants souhaitant arriver en Europe par le Maghreb.

Une instrumentalisation de l’immigration par le Maroc ?

L’Espagne accuse alors le Maroc d’avoir volontairement relâché les contrôles au frontière pour laisser entrer ces migrants et d’instrumentaliser l’immigration pour faire pression sur la question du Sahara Occidental. Le 18 mai 2021, Rabat rappelle son ambassadrice à Madrid, Karima Benyaich (elle n’a toujours pas repris sa place).

Brahim Ghali était par ailleurs accusé de torture, de meurtre et de génocide par la justice espagnole, qui avait lancé un mandat d’arrêt en 2016 ; le 1er juin 2021, il est interrogé par un juge espagnol sur ces questions, avant de rentrer en Algérie (allié historique du Front Polisario) le lendemain. Le 29 juillet 2021, la justice espagnole prononce un non-lieu dans cette affaire, provoquant une nouvelle fois la colère des autorités marocaine.

L’Algérie ne renouvelle pas le contrat du GME, et prive le Maroc de gaz naturel

Le 24 août 2021, le Maroc et l’Algérie annonçaient la rupture de leurs relations diplomatiques, également à cause de la question du Sahara Occidental. En conséquence, l’Algérie renonce à reconduire le contrat du gazoduc Maghreb-Europe (GME), qui lui permettait d’acheminer du gaz naturel en Espagne, via le Maroc, qui récupérait en échange d’importante quantité de gaz, couvrant une grande partie de ses besoins pour ses centrales électriques.

L’Algérie disposait désormais d’un second gazoduc, Medgaz, partiellement offshore, reliant directement ses côtes à celle l’Espagne, et dont la capacité allait être augmenté, lui permettant de continuer d’approvisionnement Madrid en gaz sans avoir besoin d’en « offrir » au Maroc. En octobre 2021, l’Espagne tente de jouer un rôle de médiateur entre Maroc et Algérie, mais sans succès.

Pour s’approvisionner en GNL, le Maroc a besoin de l’Espagne

Depuis, le Maroc cherche de nouveaux moyens de s’approvisionnement en gaz naturel, pour éviter de faire tourner à plein régime ses centrales au charbon hautement polluantes. Le pays a signé un accord avec le groupe britannique Sound Energy pour qu’il lui fournisse le gaz naturel du gisement qu’il est en train de forer dans le sol marocain, non loin du GME. Le Maroc envisage également la construction d’un terminal de GNL dans le port de Mohammedia, près de Casablanca.

Mais, pour l’heure, la concession de Tendrara (opérée par Sound Energy) n’étant pas encore active, et le Maroc ne disposant pas de terminaux de regazéification du GNL, Rabat n’avait qu’une seule option pour se fournir en gaz naturel sur le marché mondial : négocier avec l’Espagne.

L’Espagne accepte de soutenir le Maroc en lui laissant utiliser ses infrastructures méthanières

Ce 3 février 2022, au terme de plusieurs semaines de discussion (selon des source anonymes proches du dossier), le ministère espagnol de la transition écologique a annoncé, dans un communiqué : « Le Maroc a demandé un soutien pour garantir sa sécurité énergétique sur la base de [nos] relations commerciales, et l’Espagne y a répondu favorablement, comme elle l’aurait fait pour tout partenaire ou tout voisin ».

« Le Maroc pourra acquérir du gaz naturel liquéfié (GNL) sur les marchés internationaux, le faire livrer dans une usine de regazéification de l’Espagne péninsulaire et utiliser le gazoduc du Maghreb (GME) pour l’acheminer vers son territoire », a ajouté le ministère, sans évoquer de calendriers ou de volumes de gaz échangé. Le Maroc avait demandé début janvier 2022 à des opérateurs de lui fournir des offres de fourniture du GNL sur 5 ans.

Rapprochement diplomatique Maroc-Espagne

La veille, le 2 février 2022, lors de sa visite à l’Expo 2020 Dubai, le premier ministre espagnol Pedro Sanchez avait déjà affirmé qu’il se réjouissait « de consolider les relations avec Rabat ». Il avait même ajouté : « l’Espagne est un allié important du Maroc, notamment dans le cadre des relations avec l’Union européenne ».

Le gaz semble donc un facteur d’apaisement diplomatique entre Rabat et Madrid. Reste à savoir si ce rapprochement ne risque pas de déplaire à l’Algérie, et à fragiliser les liens commerciaux entre Madrid et Alger.

0 Commentaires

Laisser un commentaire

À la Une aujourd'hui