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Après Uniper (et avant VNG ?), l’Allemagne nationalise Gazprom Germania

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Pour soutenir son secteur gazier asphyxié par la fin des importations de gaz russe bon marché, l’Allemagne continue de mettre la main au portefeuille, notamment en nationalisant les entreprises les plus en difficulté. En septembre 2022, Uniper a ainsi été racheté par l’État allemand, suivi, ce 14 novembre 2022, par SEFE, nouveau nom de Gazprom Germania, ex-filiale du géant gazier russe. Le numéro 3 du secteur en Allemagne, VNG, devrait recevoir également un fort soutien public.

Du point de vue de ses objectifs, la géopolitique du gaz, menée par Vladimir Poutine en réaction aux sanctions européennes visant la Russie suite à l’invasion de l’Ukraine, est une réussite éclatante. L’Allemagne était clairement la cible prioritaire, car la plus importante économie de l’Union européenne et la plus dépendante aux importations de gaz russe bon marché.

Le secteur gazier allemand était ultra-dépendant de la Russie

La construction de Nord Stream 2 est à elle seule une preuve éclatante de ce choix, quand bien même cette infrastructure, critiquée dès sa mise en chantier, ne sera probablement jamais mise en service. Et le piège de cette dépendane s'est refermé sur l'Allemagne, avec un coût économique conséquent.

Contraint de s’approvisionner sur un marché mondial exsangue, les géants allemands du gaz ont payé très cher la baisse (puis la fin) des livraisons russes. Sans soutien public, ils auraient probablement tous fait faillite. Or, le gouvernement d’Olaf Scholz craint ce scénario comme la peste.

La peur d’un effet domino en cas de faillite d’un géant gazier

En effet, la banqueroute d’un grand groupe gazier aurait pour premier effet de priver de fournisseur de gaz un grand nombre d’entreprises et de ménages. Elle risquerait ensuite, par un effet domino similaire à la chute de Lehman Brothers (en 2008, durant la crise des subprimes), de provoquer des faillites en chaîne dans le secteur de l’énergie.

Ce qui équivaudrait à un cataclysme pour une économie allemande déjà condamné à entrer en récession en 2023, et même pour l’ensemble de l’Union européenne, la contamination risquant fortement de toucher d’autres géants énergétiques européens.

Après Uniper en septembre 2022, l’Allemagne nationalise SEFE, ex-Gazprom Germania

Dans ce domaine, la théorie du « quoi qu’il en coûte » domine donc la politique économique de l’Allemagne. En septembre 2022, après l’avoir maintenu en vie par perfusions régulières d’aides publiques et de prêts, le gouvernement allemand s’est ainsi résolu à nationaliser son fleuron gazier Uniper. L’opération aurait coûté environ 30 milliards d’euros à l’État allemand.

Ce 14 novembre, c’est au tour de SEFE, ex-Gazprom Germania, d’être racheté par l’État allemand. Le cas de l’ex-filiale de Gazprom, le géant gazier russe, mérite d’ailleurs une étude plus détaillée.

Gazprom abandonne ses actifs dans sa filiale allemande, mise sous tutelle publique

En effet, l’entreprise joue un rôle clé dans le marché du gaz en Allemagne, puisqu'elle contrôle 14% de la fourniture et 28% du stockage, avec notamment le plus grand réservoir d’Europe situé à Rehden (nord-ouest). Ajoutez à cela d'importantes infrastructures de transport, en Allemagne et dans le reste de l’Union européenne, et vous obtenez un actif hautement stratégique.

Dès l’invasion russe, la question des filiales de Gazprom s’est posée. Avec les sanctions européennes, il devenait quasi-impossible à Gapzrom Germania de continuer ses activités sous pavillon russe. Unique actionnaire de l’entreprise allemande, Gazprom annonce ainsi, début avril 2022, retirer tous ses actifs de sa filiale.

Le danger guette alors, car Gazprom Germania est prête à tomber dans de mauvaises mains, voire de cesser ses activités. Le gouvernement d’Olaf Scholz confie alors, pour six mois, sa gestion à l’Agence fédérale des réseaux (Bundesnetzagentur), et la rebaptise SEFE (Securing Energy for Europe GmbH).

Malgré un prêt public de 12 milliards d’euros, SEFE est exsangue

Gazprom étant le fournisseur exclusif de cette nouvelle entité, elle doit acheter d’astronomiques quantités de gaz sur un marché mondial dont les prix explosent. L’État allemand est obligé de la renflouer via un prêt de la banque publique KfW de 12 milliards d’euros. En réaction, la Russie impose des sanctions à SEFE, la privant quasiment de gaz, aggravant encore sa situation.

Fin août 2022, un arrêté comptable indique ainsi que SEFE compte 3 milliards d’euros de dette, pour 1 milliard de fonds propres, la mettant au bord du gouffre. L’État allemand a donc décidé de puiser dans le plan à 200 milliards d’euros annoncé au début de l’automne pour sauver le groupe gazier en le nationalisant.

L’État allemand, « nouvel actionnaire unique » de SEFE, une opération validée par l’Union européenne

Pour ce faire, Berlin a décidé, via une manœuvre comptable, de baisser le capital de SEFE à 0 : son actionnaire unique, Gazprom, en perd ainsi le contrôle, en échange d’une indemnité à définir. Dans la foulée, l’État allemand va injecter 225 millions d’euros dans la société, devenant ainsi le « nouvel actionnaire unique ».

En complément, l’État va augmenter la ligne de crédit de KfW de 1,8 milliards d’euros, permettant à SEFE d’effectuer un échange de dettes contre actions, solidifiant les fonds propres de l’entreprise.

L’opération a obtenu le blanc-seing de l’Union européenne, et pourra aller à son terme : « la décision vise à préserver la sécurité de l'approvisionnement en gaz de l'économie allemande », indique la branche antitrust de l'Union européenne.

Au tour de VNG ?

Mais le vaste plan de sauvetage du gouvernement allemand pourrait ne pas s’arrêter là. Après avoir déjà mis sous tutelle publique la filiale allemande du pétrolier russe Rosneft, l’exécutif envisagerait d’entrer dans le capital du numéro 3 allemand du marché du gaz, VNG.

Définitivement, les dogmes de la toute-puissance du marché privé et de l’inefficacité de l’État dans le domaine énergétique ont pris des tonnes de plombs dans l’aile depuis le début de cette crise énergétique...

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