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Allemagne, Espagne et Portugal militent pour un gazoduc entre la péninsule ibérique et l’Europe centrale

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La hausse des tensions sur l’approvisionnement de l’Union européenne, et en particulier de l’Allemagne, en gaz russe, a poussé le Premier ministre allemand, Olaf Scholz, à relancer publiquement le débat sur la construction d’un gazoduc reliant la péninsule ibérique à l’Europe centrale, via la France. Cette idée, qui pourrait faire renaître le projet MidCat de ses cendres, a reçu un soutien appuyé du Portugal et de l’Espagne. Coté français, la réaction a été plus fraîche, estimant qu’une telle infrastructure ne pourrait sortir de terre rapidement, et ne répondait donc pas à l’urgence.

En 2013, un projet de gazoduc reliant l’Espagne et la France, via la Catalogne, est mis sur les rails. Baptisé MidCat, il est soutenu par l’Union européenne, qui voit d’un bon œil le renforcement des interconnexions gazières dans l’UE.

En 2019, le projet de gazoduc MidCat est enterré par les régulateurs espagnols et français

Mais, après six ans de discussions, et alors que plusieurs tronçons ont été achevés coté espagnol, la partie transfrontalière du projet, le STEP (South Transit Eastern Pyrenees), est rejetée par les régulateurs espagnols et français, jugé trop cher (500 millions d’euros), incompatible avec l’objectif de neutralité carbone, et pas indispensable à l’approvisionnement européen.

« La CRE [française] et la CNMC [espagnole] considèrent que le projet STEP ne répond pas aux besoins du marché et ne présente pas une maturité suffisante pour pouvoir faire l’objet d’une décision favorable des régulateurs et, a fortiori, pour faire l’objet d’une décision de répartition transfrontalière des coûts », avaient justifié les deux régulateurs.

La Commission européenne relance l’idée d’un tel gazoduc

Mais avec les tensions sur les livraisons de gaz russe, aggravées depuis le début du conflit en Ukraine, le Kremlin jouant manifestement avec les nerfs de l’Europe, et en particulier de l’Allemagne, la donne a changé.

Début mai 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, estimait ainsi que, dans le cadre du plan RepowerEU, l’Europe devait relancer, sur le front de la distribution de gaz, « les projets transfrontaliers, comme par exemple la liaison cruciale entre le Portugal, l’Espagne et la France ».

Olaf Scholz estime qu’un gazoduc entre la péninsule ibérique et l’Europe centrale manque « dramatiquement »

Les livraisons de gaz russe continuant de faire le yo-yo, mais avec une tendance globale baissière, le Premier ministre allemand, Olaf Scholz, est monté au créneau, le 11 août 2022.

Il estime qu’un gazoduc reliant la péninsule ibérique à l’Europe centrale manquait aujourd’hui « dramatiquement », car il « contribuerait aujourd’hui massivement à soulager et détendre la situation de l’approvisionnement ».

« J’ai proposé qu’on s’attaque à un tel projet auprès de mes homologues espagnol et portugais, mais aussi lors de conversations avec le président français et la présidente de la Commission européenne », a-t-il ajouté.

Soutiens portugais et espagnols

Les soutiens n’ont pas tardé à affluer coté espagnol et portugais. Le Premier ministre portugais Antonio Costa a ainsi affirmé, le 14 août 2022, que ce gazoduc est « une priorité » pour le Portugal, et que la déclaration d’Olaf Scholz « renforce la pression sur les institutions européennes » pour faire avancer ce dossier.

Le même jour, la ministre espagnole de la Transition écologique, Teresa Ribera, a déclaré que l’Espagne était prête à avancer très vite pour la construction d’un tel gazoduc, prônant « une plus grande implication des institutions communautaires » et « des gouvernements des États membres ».

Elle a indiqué qu’à court terme l’Espagne allait ajouter « un compresseur supplémentaire » sur les deux petits gazoducs qui relient l’Espagne à la France, permettant d’augmenter les capacités d’exportation de l'Espagne à hauteur de 2 à 2,5 % du gaz consommé dans toute l’Union européenne.

Le gouvernement espagnol prêt à accélérer sur ce projet...

Mais, pour profiter à plein des infrastructures de regazéification espagnoles (avec six terminaux de GNL, l’Espagne possède un tiers de la capacité européenne), la construction d’un gazoduc d’une plus grande capacité entre France et Espagne lui semble nécessaire.

Teresa Ribera a aussi précisé que, selon Enagas, gestionnaire du réseau de distribution de gaz en Espagne, il faudrait « approximativement huit à neuf mois » pour qu’un tel gazoduc soit opérationnel côté espagnol, tout en rappelant qu’il serait « fondamental de travailler de concert avec la France ».

Ce 16 août 2022, le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez a soutenu aussi cette infrastructure, en rappelant que « l’Espagne a beaucoup à apporter à l’Europe pour réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie grâce à notre immense capacité de regazéification ».

… mais le gouvernement français est nettement moins enthousiaste

Reste que si, coté espagnol, des travaux rapides pourraient achever une liaison gazière avec la frontière française (qu’il s’agisse d’une relance de MidCat ou un nouveau projet), il n’en est pas de même coté français, où il faudra encore une validation administrative et des études d’impact avant d’entamer des travaux qui s’annoncent beaucoup plus lourds et longs.

Le ministère français de la Transition énergétique avait d'ailleurs répondu aux propos de Teresa Ribera en rappelant qu' « un tel projet mettrait dans tous les cas de nombreuses années à être opérationnel » et « ne répondrait donc pas à la crise actuelle ».

Des choix d’investissement à faire

L’opposition farouche d’associations environnementales, au niveau local, complique par ailleurs encore la donne. On peut comprendre que le gouvernement français hésite à se lancer dans un vaste et coûteux projet pour qu’il soit opérationnel à un moment où les pays européens auront réduit leur consommation de gaz et où l’Allemagne disposera de plusieurs terminaux méthaniers.

Surtout dans un contexte où, sur le plan énergétique en France, la renationalisation d’EDF, le renouvellement du parc nucléaire et la construction massive de parcs photovoltaïques et éoliens vont nécessiter de nombreux investissements.

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