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Le gisement gazier de Karish, au coeur des tensions entre Israël et le Liban

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Israël a acheminé, en ce début juin, une plateforme de forage sur le champ gazier de Karish, situé dans une zone maritime contestée par le Liban. Le président libanais a déclaré qu'il considérerait toute exploitation de ce champ comme un « acte hostile ». L’armée israélienne craint une attaque du Hezbollah contre la plateforme.

Depuis la dernière guerre entre les deux pays en 2006, Israël et le Liban sont dans une situation diplomatique instable. Certes, un cessez-le-feu est en vigueur, et, même s’il n’est pas techniquement respecté (Israël survole quotidiennement le Sud-Liban, le Hezbollah n’a pas rendu les armes) et que des affrontements ont régulièrement lieu autour de la frontière, ils n’ont plus dégénérés en conflit généralisé.

Le champ gazier offshore de Karish, découvert par Israël, est dans une zone contestée par le Liban

Pour autant, aucun accord de paix n’ayant été signé, les deux pays sont toujours techniquement en guerre, et n’ont actuellement aucune relations diplomatiques.

C’est dans ce contexte qu’Israël, lors de son exploration de son espace maritime, a découvert d’importants champs gaziers, notamment ceux de Tamar 2 (317 milliards de m³ de réserve) et ceux de Leviathan (605 milliards de m³) au tout début des années 2010, puis, en 2012-2013, les deux gisements de Tanin et de Karish, situés au Nord, à proximité d'une frontière maritime contestée avec le Liban.

La pomme de discorde est le gisement de Karish (requin en hébreu), et ses 39,6 milliards de m³ de réserve, car il est situé dans une zone que revendique le Liban depuis 2020.

Le Liban revendique depuis 2020 une zone maritime plus large que celle adoptée par les deux pays en 2011

Israël avait pourtant obtenu de l'ONU une autorisation de forage de cette zone de 860 km2 dès 2008 : « Le champ de Karish se trouve dans les eaux territoriales d'Israël, y compris selon la carte soumise par le Liban aux Nations Unies en 2011. Le champ est situé au sud des deux lignes de démarcation frontalières qu'Israël et le Liban ont soumises aux Nations Unies en 2011 », a précisé Shaked Eliyahu, porte-parole de la ministre israélienne de l'Energie Karine Elharrar.

Mais le Liban revendique depuis 2020 une zone supplémentaire de 1 430 km², qui inclue le champ de Karish, ainsi qu’un autre gisement potentiel, connu sous le nom de Bloc 72, qui contiendrait aussi de grandes réserves d’hydrocarbures. Israël a attribué la concession de Karish à la société grecque Energean, et de Bloc 72 à l’américain Noble Energy.

Les négociations sur la frontière matirime s’enlisent...

Voici un an que le Liban et Israël tentent de parvenir à un accord sur ce partage territorial, dans des négocations menées par les États-Unis, appelés par l’expert libanais en énergie Laury Haytayan la « guerre des cartes ».

Mais, alors que le chef libanais du Hezbollah (considéré comme une organisation terroriste par Israël) semblait avoir accepté le principe de ces négociations, il s’y est fermement opposé en ce mois de mai 2022.

… et Israël décide de lancer le forage de Karish, provoquant des menaces du Liban

Dans le même temps, Israël est pressé par ses partenaires européens d’augmenter rapidement ses capacités d’exportation de gaz naturel (le pays a d’ailleurs décidé de mettre fin prématurément, début juin 2022, au gel de ses recherches de nouveaux gisements gaziers, qui ne devait s’achever que fin 2022).

Le pays a donc décidé de demander à Energean d’envoyer sa plateforme de forage au-dessus du champ gazier de Karish, ce 5 juin 2022. Le président libanais Michel Aoun a immédiatement mis en garde Israël, en déclarant que « toute action ou activité dans la zone contestée sera considérée comme une provocation et comme un acte hostile ».

Tout forage serait « un acte hostile » pour le président libanais

Il a également demandé, conjointement avec le Premier ministre Najib Mikati, aux responsables de l’armée de le tenir au courant des activités menées sur la plate-forme. Soit une menace de guerre à peine voilée.

Najib Mikati a par ailleurs accusé Israël « d’empiéter sur les richesses maritimes du Liban et de s’imposer dans une zone contestée», considérant la question de la propriété du gaz « comme un fait accompli ». Il a qualifié la démarche israélienne « d’extrêmement dangereuse ».

En proie à une crise économique désastreuse, le Liban voudrait profiter de la manne gazière pour récupérer de précieuses devises étrangères. Les menaces contre le voisin israélien sont sans doute aussi un moyen de calmer l’opinion publique en la fédérant contre un vieil ennemi commun.

Israël prend au sérieux la menace d’une attaque du Hezbollah

« La décision concernant la réponse à l’arrivée du navire est dorénavant entre les mains de l’État et du Hezbollah », a déclaré Bassam Yasin, chef de la délégation libanaise aux négociations.

Israël, de son coté, prend très au sérieux les menaces d’une attaque du Hezbollah : la plateforme gazière a donc été escortée par des navires de guerre, notamment des corvettes et des sous-marins. Une version navale du système de défense antimissile du Dôme de fer a aussi aussi déployée dans la zone à des fins de protection accrue.

Une exploitation commerciale qui devrait commencer en septembre 2022

Le forage a finalement pu démarrer, sous haute tension. Le ministère israélien de l'Energie a annoncé que l'exploitation commerciale de Karish devrait commencer en septembre.

Le ministère a ajouté que sa production correspondra à environ la moitié de la demande de gaz naturel de l'économie israélienne, ouvrant à de nouvelles lucratives exportations, notamment vers l’Union européenne, via un partenariat en cours de finalisation avec la Turquie, actant une détente entre les deux pays sur les questions gazières en Méditerranée orientale.

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