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Sabotage de Nord Stream : à qui profite le crime ?

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Cette fin de mois de septembre a été marqué par une série de fuite sur les gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2, au large de l’île danoise de Bornholm, manifestement provoquées par des actes de sabotage. Des détonations ont été entendues à proximité, et une enquête, menée conjointement par la Suède et le Danemark, conclut à un acte délibéré, ayant nécessité plusieurs kilos d’explosifs. L’Ukraine accuse le Kremlin, et Moscou met en cause les Etats-Unis.

Les contre-coups de la guerre menée par la Russie en Ukraine ont atteint pour la première fois, fin septembre 2022, des infrastructures énergétiques européennes, en l’occurrence les gazoducs Nord Stream 1 et 2, dans les zones économiques exclusives de la Suède et du Danemark.

Deux explosions au large d’une île danoise

Il s’agirait également du premier acte de sabotage mené sur le territoire européen dans le cadre de ce conflit – même si son commanditaire reste encore inconnu, son lien avec la situation géopolitique explosive entre la Russie, l’Ukraine, l’Union européenne et les Etats-Unis semble assez évident.

Ce 26 septembre 2022, deux explosions suspectes ont lieu à proximité de l’île danoise de Bornholm. Le jour même, une fuite est identifié sur le gazoduc Nord Stream 2. Le lendemain, deux fuites sont détectées sur Nord Stream 1. Une quatrième fuite est révélée le 29 septembre 2022, à nouveau sur Nord Stream 2.

Deux fuites sur Nord Stream 1, deux sur Nord Stream 2

En tout, quatre fuites : deux sur Nord Stream 1, deux sur Nord Stream 2 - les deux gazoducs qui relient la Russie à l'Allemagne. Toutes sont situées dans les eaux internationales, deux sur les zones économiques exclusives de la Suède et les deux autres sur celles du Danemark.

Même s’il n’a jamais été mis en service, suite à l’invasion de l’Ukraine, Nord Stream 2 est opérationnel, et il a été rempli de gaz. Même à l’arrêt, Nord Stream 1 était aussi rempli de gaz. Les écoulements de gaz ont provoqué d'impressionnants bouillonnements à la surface allant de 200 à 900 mètres de diamètre.

Ce dimanche 2 octobre 2022, la pression de l’eau a fini par colmater les fuites sur Nord Stream 2, et les bouillonnements devraient s’interrompre prochainement. Très rapidement, les autorités danoises et suédoises ont indiqué que la taille et la forme des trous dans les gazoducs excluaient tout accident, et laissaient supposer un acte malveillant, en lien direct avec les explosions du 26 septembre 2022.

La Suède et le Danemark concluent à un « acte délibéré », avec « plusieurs centaines » d’explosifs

L’inspection détaillée des gazoducs ne pourra pas se faire avant la mi-octobre, mais le Danemark et la Suède ont diligenté une enquête sur les explosions, dont les conclusions ont été remises à l’ONU ce 30 septembre 2022: «la magnitude des explosions a été mesurée respectivement à 2,3 et 2,1 sur l'échelle de Richter, soit probablement l'équivalent d'une charge explosive de centaines de kilos».

«Toutes les informations disponibles indiquent que ces explosions sont la conséquence d'un acte délibéré», concluent les enquêteurs. Pour autant, la responsabilité de cet acte de « sabotage aggravé » reste mystérieuse.

L’Ukraine accuse la Russie, qui riposte en incriminant les Etats-Unis

Dès le 27 septembre 2022, l’Ukraine dénonce une «attaque terroriste planifiée» de la Russie «contre l'Europe». Un mélange d’intimidation dissimulée (tout à fait dans le style de Vladimir Poutine) et de volonté de créer un contre-feu médiatique à la guerre menée sur le front ukrainien serait un mobile parfaitement crédibles à un sabotage, par le Kremlin, d’installations énergétiques européennes, mais dont la Russie est l’opérateur.

Evidemment, la Russie a nié toute implication dans le sabotage, et s’est, au contraire, lancé diplomatiquement à l’offensive, en réclamant, le 28 septembre, une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU « dans le cadre des provocations concernant les gazoducs Nord Stream 1 et 2», en mettant implicitement en cause les Etats-Unis.

«Le président américain est obligé de répondre à la question de savoir si les États-Unis ont mis à exécution leur menace», indique la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova, en citant la déclaration de Joe Biden, deux semaines avant le début de l’offensive russe en Ukraine, en février 2022 : «Si la Russie envahit (l'Ukraine), alors il n'y aura plus de Nord Stream 2».

Passes d’arme diplomatiques entre Moscou et Washington

La diplomatie russe poursuit là une stratégie classique : se faire plus bête qu’elle n’est, en faisant mine de ne pas comprendre que la déclaration était évidemment à prendre au sens économique et stratégique, pas d’une possible destruction physique du gazoduc.

L’Oncle Sam a rétorqué en indiquant qu'il était «ridicule» d'insinuer que les États-Unis pourraient avoir commis ces sabotages. «Nous savons tous que la Russie diffuse de la désinformation depuis longtemps et elle le fait à nouveau ici», a préciséla porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, Adrienne Watson.

En guise de réplique, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a rappelé «les énormes bénéfices réalisés par les fournisseurs américains de gaz naturel liquéfié, qui ont multiplié leurs approvisionnements sur le continent européen».

Enquête sous-marine

Au terme du Conseil de sécurité de l'ONU du 30 septembre, Vladimir Poutine est resté sur la même ligne, en imputant ce «sabotage» aux «Anglo-saxons». «En organisant des explosions sur les gazoducs internationaux qui longent le fond de la mer Baltique, ils ont en réalité commencé à détruire l'infrastructure énergétique européenne», a-t-il précisé.

Réponse immédiate du secrétaire d’État américain Antony Blinken : «Je n'ai rien à ajouter à ces allégations absurdes du président Poutine selon lesquelles nous ou nos partenaires alliés seraient responsables en quoi que ce soit vis-à-vis de cela».

Ce même 30 septembre 2022, Joe Biden a promis l'envoi de moyens sous-marins sur le site des explosions des gazoducs Nord Stream 1 et 2, «pour déterminer ce qui s'est exactement passé», après ce qu'il a qualifié d'«acte de sabotage délibéré».

L’Union européenne met en garde sur des attaques contre ses infrastructures énergétiques

«Nous allons travailler avec nos alliés pour faire toute la lumière là-dessus», a promis le président américain. L'Allemagne a indiqué quant à elle que sa police allait mobiliser en mer «toutes les forces disponibles».

Reste à savoir quelles suites aura cette affaire. L’Union européenne se tient pour l’heure sur une position de fermeté. «Toute perturbation délibérée des infrastructures énergétiques européennes est totalement inacceptable et fera l'objet d'une réponse vigoureuse et unie», a déclaré le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

A la peine militairement en Ukraine, malgré l’annexion fantoche des quatre régions que l’armée russe contrôle, Vladimir Poutine se sait fragilisé, tant en Russie qu’à l’international. Ce qui peut expliquer des discours anti-Occident toujours plus musclés. Mais sans jamais franchir la ligne rouge. Pour l’instant du moins.

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