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Russie : TotalEnergies amorce « le début d’un repli » sur ses projets gaziers

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Contrairement à d’autres géants des hydrocarbures, TotalEnergies a fait le choix de se maintenir en Russie après le début de l’invasion de l’Ukraine, notamment pour ses projets gaziers. Fortement critiqué par les ONG environnementales et une partie de la classe politique, l’entreprise a fini par lâcher du lest, d’abord sur le pétrole (en refusant notamment de conclure de nouveaux contrats pour acheter du pétrole russe), puis sur le gaz, avec l’annonce, fin avril 2022, du « début d’un repli », en particulier sur le méga-projet d’usine de GNL Artic LNG-2, en Sibérie.

Le début de l’invasion de l’Ukraine a provoqué le départ de Russie de nombreuses multinationales, que ce soit de par leur propre initiative, sur incitation de leur gouvernement, ou contraintes par les sanctions économies visant le Kremlin.

TotalEnergies a misé gros sur la Russie pour sa nouvelle stratégie industrielle

Du coté des hydrocarbures, plusieurs géants du secteur ont successivement annoncé le retrait de tous leurs actifs russes : BP, Shell, Equinor ou Exxon. A l’inverse, TotalEnergies a refusé de quitter le sol russe (alors que le pays avait fini par abandonner la Birmanie, début 2022), et n’a semblé reculer sur ses actifs russes que forcé par les décisionnaires politiques ou le contexte économique.

Il est vrai que TotalEnergies a largement misé sur la Russie pour sa nouvelle stratégie industrielle : investir massivement dans le gaz (et, secondairement, les renouvelables), plus que dans le pétrole. Le gaz présente en effet l’avantage d’émettre moins de CO2 que le pétrole et, surtout, le charbon, ce qui en fait une excellente énergie « de transition » pour les pays souhaitant réduire l’impact carbone de leur production électrique, Chine en tête.

TotalEnergies accusé de « complicité de crime de guerre »

En 2021, la Russie représentait ainsi 31,5 % de la production de gaz de TotalEnergie. Dès lors, le groupe pouvait plus difficilement abandonner le pays que d’autres multinationales qui y étaient moins impliquées.

Pour autant, la pression politique et médiatique sur TotalEnergie a été particulièrement forte, le candidat écologiste à la présidentielle, Yannick Jadot, allant jusqu’à accuser le groupe de « complicité de crime de guerre ».

TotalEnergies lâche le pétrole en Russie...

Le 22 mars 2022, TotalEnergies avait répondu en lâchant du lest sur le pétrole, en prenant « la décision de ne plus conclure ou renouveler des contrats d’achat de pétrole et de produits pétroliers russes, afin d’arrêter tout achat (...), dans les meilleurs délais et au plus tard à la fin de l’année 2022 ».

Le groupe avait également annoncé son intention de « ne plus apporter de capital pour le développement de projets en Russie » et « d’engager la suspension progressive de ses activités en Russie », tout en assurant un « strict respect des sanctions européennes, actuelles et futures, quelles que soient les conséquences pour la gestion de ses actifs en Russie ».

… mais justifie le maintient de ses actifs russes

Mais, dans le même temps, TotalEnergies justifiait le maintient de ses actifs russes, notamment sur les projets gaziers, d’une part par la nécessité d’assurer l’approvisionnement énergétique de l’Union Européenne, d’autre part par le fait que le groupe détenait des participations minoritaires dans plusieurs sociétés privées russes.

TotalEnergie rappelait aindi que le groupe n’opérait en propre aucun champ gazier ou pétrolier, ni même d’usine de GNL, et que son retrait précipité ne mettrait pas un terme aux projets dont il est actionnaire minoritaire.

Une crainte d’enrichir les investisseurs russes, et une belle leçon de cynisme

Pire, selon le pétrolier, « le contexte actuel des sanctions européennes et des lois russes (...) empêcherait TotalEnergies de trouver un acheteur non russe pour reprendre ses participations minoritaires en Russie. Abandonner ces participations sans contrepartie financière contribuerait donc à enrichir des investisseurs russes en contradiction avec l’objet même des sanctions ».

Dit autrement : ces champs gaziers, pétroliers et usines de GNL tournent, rapportent de l’argent, et continueront de tourner et de rapporter de l'argent. Pour l’instant une part de ces revenus est captée par TotalEnergies, un groupe européen, ce qui est mieux que si cet argent allait dans des poches russes. Pour cynique qu’il soit, l’argument était audible.

Les sanctions européennes fragilisent la finalisation du projet Artic LNG-2...

Mais la pression politique s’est encore accentuée avec le prolongement de la guerre et les accusations de crime de guerre contre l’armée russe, les voix réclamant un désengagement de TotalEnergies de Russie se faisant toujours plus nombreuses.

Qui plus est, les sanctions économiques contre la Russie compromettent l’avenir de certains projets, en particulier la méga-usine de GNL Artic LGN-2, en Sibérie, dans lequel TotalEnergies détient une participation de 21,6 %.

En effet, depuis le 8 avril 2022, l’Union européenne interdit à ses Etats membres d’exporter en Russie des biens et des technologies nécessaires à la liquéfaction du gaz naturel. Ces sanctions, selon TotalEnergie, « font peser des risques supplémentaires sur la capacité d’exécution du projet » Artic LGN-2. Le chantier pourrait ainsi être stoppé prochainement.

… dont TotalEnergies déprécie les actifs

Pour toutes ces raisons, TotalEnergies a annoncé, ce 27 avril 2022, « le début d’un repli » de Russie, via une dépréciation d’actifs de l’ordre de 4,1 milliards de dollars (3,9 milliards d’euros), en particulier pour Arctic LNG-2.

A titre de comparaison, l’explosion des prix du pétrole et, surtout, du gaz, ont permis à TotalEnergies de réaliser, au premier semestre 2022, un résultat net positif de 9 milliards de dollars, trois fois plus que sur la même période en 2021.

TotalEnergies reste présent à Yamal

De plus, TotalEnergies reste bien présent dans le champ gazier voisin de Yamal, et dans son usine de GNL dédiée. D’une certaine façon, le groupe déprécie simplement des actifs dont la valeur a baissé à cause du contexte mondial, et ne prend pas une décision qui pourrait lui coûter.

C’est ce qu’expriment de nombreuses ONG environnementales, comme les Amis de la Terre, par la voix de leur représentante Lorette Philippot : « se contenter d’anticiper dans ses comptes les potentielles conséquences financières d’un retrait d’Arctic LNG 2 est cynique. La multinationale doit dès aujourd’hui cesser de soutenir l’effort de guerre de Poutine et renoncer à son mégaprojet gazier en Arctique russe. »

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