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L’Afrique aura-t-elle les coudées franches pour valoriser ses réserves gazières ?

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Fin juin 2022, l’Agence Internationale de l’Energie, dans un rapport en forme de plaidoyer, recommande de laisser l’Afrique exploiter ses réserves de gaz naturel, malgré la lutte contre le changement climatique. Son directeur, Fatih Birol, estime que le continent est un cas particulier à l’échelle mondiale : le laisser se développer n’aura qu’un faible impact sur les émissions de gaz à effet de serre mondiales, surtout si les plus gros pollueurs continuent de décarboner leur énergie. Un discours forcément plus audible aujourd’hui que l’Union européenne se retrouve potentiellement privée de gaz russe…

A la COP 26, à Glasgow, fin 2021, 31 pays se sont engagés à ne plus financer de projets gaziers à l’étranger, afin de lutter contre le changement climatique. Sans renier son ambition de tenir les engagements de l’Accord de Paris, et sans remettre en question la nécessité de décarboner massivement l’économie mondiale, notamment dans les pays les plus industrialisés, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) demande, dans un rapport publié fin juin 2022, de faire une exception pour l’Afrique.

L’AIE veut laisser l’Afrique exploiter ses réserves de gaz naturel

Le rapport Africa Energy Outlook 2022 précise ainsi que le continent africain est celui qui subit le plus les effets du changement climatique, alors qu’il n’est responsable que d’une part infime des émissions mondiales de gaz à effet de serre (moins de 3 %, pour 20 % de la population mondiale).

L’AIE invite donc à laisser l’Afrique exploiter ses réserves de gaz naturel, durant une période transitoire, accompagnée d’investissement dans les renouvelables sur le continent.

« Si nous dressons une liste des 500 principales choses à faire pour être en phase avec nos objectifs climatiques, ce que l’Afrique fait avec son gaz ne figure pas sur cette liste », a déclaré le directeur général de l’AIE, Fatih Birol, durant la présentation du rapport.

De 3 % à 3,5 % des émissions mondiales, pour 20 % de la population

« Pour le gaz comme pour tout, nous ne pouvons mettre l’Afrique dans le même panier que les autres. Par exemple, l’urbanisation : 70 millions de bâtiments d’habitation doivent y être construits d’ici 2030. Cela veut dire ciment et acier, et vous ne pourrez le faire seulement avec le solaire à son niveau actuel », pointe le dirigeant de l’AIE.

Pour lui, l’enjeu n’est pas le même pour un continent en plein développement que pour l’Amérique du Nord, l’Europe et même une grande part de l’Asie. Si investir dans de nouvelles sources de pétrole ou de charbon, y compris en Afrique, semble un contresens climatique, le gaz reste le combustible fossile à l’impact carbone le plus mesuré.

Il reste aujourd’hui nécessaire à la production de ciment ou d’engrais, et permet de produire, à titre transitoire, une électricité moins carboné qu’avec du fioul ou du charbon. L’AIE note d’ailleurs qu’en exploitant toutes les réserves de gaz de l’Afrique sur place, la part du continent dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre ne monteraient qu’à 3,5 %.

Vers des capacités d’export accrues

« L’Afrique compte plusieurs champs de gaz naturel identifiés, non encore exploités. S’ils l’étaient, cela ferait 90 milliards de m3 annuels, pour produire des fertilisants agricoles, du ciment et de l’eau potable à partir d’eau de mer », synthétise Fatih Birol.

Qui plus est, le rapport indique que, même en se réservant la plus grande part de cette production de gaz, l’Afrique pourrait exporter 30 milliards de m³ supplémentaires par an dès 2030.

De quoi recevoir une oreille attentive de l’Union européenne, en pleine course contre la montre pour trouver des substituts au gaz russe, et face à une explosion des prix du gaz fossile, en partie sous forme de GNL.

Mettre fin au torchage

Les investissements dans de nouveaux terminaux de GNL sont d’ailleurs en cours en République Démocratique du Congo, en Mauritanie et au Sénégal, sans compter le cas du Mozambique, qui tente de stabiliser sa situation intérieure pour pouvoir enfin exploiter sa manne gazière.

L’AIE milite donc pour que les pays occidentaux qui refusent d’investir dans du gaz à l’étranger accordent une exception à l’Afrique, car aucun acteur africain n’a aujourd’hui la puissance financière et technique pour développer seul à court terme un champ gazier, inshore comme offshore.

L’agence indique également qu’il faudrait équiper en urgence toutes les exploitations de pétrole en Afrique de procédés pour récupérer le gaz associé, qui est le plus souvent brûlé. La République Démocratique du Congo a récemment fait passer une loi dans ce sens, pour mettre fin au torchage de ce gaz. L’AIE estime que 10 milliards de m³ de gaz naturel pourraient ainsi être récupérés tous les ans en Afrique.

Investir aussi dans les renouvelables en Afrique

Pour autant, la volonté de l’AIE n’est pas de faire du continent un ilot exclu de la transition énergétique, au contraire, puisqu’elle appelle de ses vœux des investissements parallèles dans les renouvelables.

« Après avoir largement subi l’ère des énergies fossiles – qu’il s’agisse de leur coût comme de leur rôle dans le réchauffement mondial – le continent pourrait être parmi les premiers bénéficiaires de ce nouveau chapitre, avec son potentiel solaire et les opportunités industrielles liées aux besoins de métaux et en hydrogène vert », précise l’AIE.

Doubler les investissements verts sur le continent

Pour réaliser cette transition, il faudrait doubler les investissements verts sur le continent, pour les porter à 25 milliards de dollars. Or, l’Afrique ne reçoit que 7 % des financements verts des économies avancées à destination des pays en développement. Là aussi, un prompt changement de paradigme pourrait tout métamorphoser.

Cette position de l’AIE est plutôt consensuelle en Afrique, où une majorité des gouvernements plaide pour des investissements dans le gaz et les renouvelables pour soutenir le développement des pays en répondant à l’urgence climatique. Et, comme les intérêts africains rejoignent aujourd’hui ceux de l’Europe, il est possible que cette voix soit enfin entendue...

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