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Marché mondial du GNL : un rôle-clé pour la Chine, avant un effondrement des cours ?

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L’année 2022 aura vu de profondes mutations dans les marchés mondiaux du gaz, en particulier du GNL. L’explosion de la demande européenne, suite aux baisses drastiques des importations russes par gazoduc, a provoqué une forte hausse des prix, dans un contexte de baisse de la demande chinoise (pour des raisons de baisse d’activité économique) et de la demande de l’Asie du Sud (préférant d’autres combustibles fossiles moins chers). La Chine s'est d'ailleurs imposé comme un acteur stratégique du maché, qui veut acheter en masse du GNL sur le temps long, et pouvoir le revendre sur les marchés, comme elle l’a fait en 2022. Dans le même temps, un rapport annonce une forte hausse de l’offre de GNL à partir des années 2025-2027, qui devrait conduire à un effondrement des prix.

L’année 2022 aura vu une profonde mutation des marchés mondiaux du GNL, où le rôle stratégique de la Chine s’est amplifié, comme l’indique le dernier rapport de Shell sur les perspectives pour le GNL, LNG Outlook 2023.

Le manque de gaz russe pousse l’Europe vers le GNL

Les prix du gaz naturel était déjà élevés fin 2021, suite à une reprise de l’activité économique mondiale, en particulier chinoise, à des baises de production conjoncturelles, et à des craintes sur l’approvisionnement russe en Europe.

La guerre en Ukraine et les sanctions occidentales contre la Russie ont provoqué une baisse régulière des exportations de gaz russe par gazoduc vers l’Union européenne. Ne pouvant compenser qu’une petite partie du gaz russe par d’autres approvisionnements en gazoduc, les pays européens se sont massivement tournés vers le GNL.

Une hausse de 60 % des importations européennes de GNL...

L’ensemble Union européenne + Royaume-Uni a ainsi importé 121 millions de tonnes de GNL en 2022, contre 75,5 millions de tonnes en 2021, soit une augmentation de 60 %. En volume, les importations européennes ont grimpé de 45,5 millions de tonnes entre 2021 et 2022.

« Avec la réduction du gaz russe acheminé par gazoduc, le GNL devient un pilier de plus en plus important de la sécurité énergétique européenne, soutenu par le développement rapide de nouveaux terminaux de regazéification dans le nord-ouest de l'Europe », synthétise le rapport de Shell.

… dépassant largement les capacités mondiales d’exportation

Mais les capacités de production et / ou de liquéfaction mondiales ne permettaient pas de combler cette hausse. Selon le rapport de Shell, le commerce mondial de GNL a connu, l’année dernière, une hausse de seulement 16 millions de tonnes, passant de 381 millions de tonnes en 2021 à 397 millions de tonnes en 2022.

Le différentiel, de près de 30 millions de tonnes, représente la quantité que les Européens ont du « prendre » aux autres importateurs historiques de GNL. Cet écart explique bien pourquoi les cours du GNL ont explosé l’année dernière et sont devenus particulièrement volatils, la demande excédant très largement l’offre sur le temps long.

La Chine, l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh réduisent drastiquement leurs importations

Ce sont principalement la Chine et les importateurs d’Asie du Sud qui ont réduit leurs achats de GNL en 2022. Pékin a ainsi diminué ses importations nettes de 15 millions de tonnes, la demande en gaz étant plus faible qu’attendu dans une économie en partie paralysé par les restrictions liées à l’épidémie de Covid-19, et le pays ayant augmenté ses importations par gazoduc, en particulier depuis la Russie.

« Sans la baisse de la demande chinoise de GNL en 2022, le marché mondial du gaz - et la sécurité énergétique de l'Europe - serait dans un état bien plus périlleux », estime d'ailleurs Saul Kavonic, analyste de l'énergie au Credit Suisse Group AG.

En Asie du Sud, ce sont les hausses des prix qui ont contraint l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh a drastiquement couper dans leurs importations de GNL (avec des conséquences parfois dramatiques au Bangladesh, en proie à des coupures électriques de grande ampleur), compensant ce manque de combustible par un recours accru au charbon pour l’Inde, au mazout pour le Pakistan et le Bangladesh.

Le nouveau rôle de la Chine, comme point d’équilibre du marché mondial de GNL

Mais, surtout, l’année 2022 a vu un net changement de politique de la Chine en matière de GNL. Le pays dispose en effet de nombreux contrats de fourniture sur le long terme à prix garanti, bien en dessous des prix de marché. Pékin a donc revendu au moins 5,5 millions de tonnes de GNL sur les marchés mondiaux, principalement vers l’Europe, réalisant d’importants bénéfices.

« La Chine est en train de passer d'un marché d'importation à croissance rapide à un rôle plus flexible, avec une capacité accrue à équilibrer le marché mondial du GNL », indique le rapport de Shell.

Contrats à long terme à foison pour la Chine

En effet, la Chine a multiplié et continue de multiplier les contrats d’importation de GNL sur le long terme (ce que l’Union européenne se refuse à faire, pour des raisons à la fois idéologiques et liées à la transition énergétique). Le pays contrôle ainsi déjà 15 % des nouveaux flux de GNL qui devraient arriver sur les marchés mondiaux en 2025-2027.

Aucun pays n’a signé davantage de contrats sur le long terme avec des producteurs états-uniens depuis 2021. Le groupe chinois Sinopec a signé en 2022 l’un des plus gros contrats de l’industrie du GNL avec le Qatar. Les importateurs chinois auraient par ailleurs bouclé d’autres contrats avec le Qatar, Oman, la Malaisie et Brunei.

Le pays sécurise ainsi son approvisionnement et s’assure une place centrale de faiseur de marché, vendant son GNL quand la demande est forte, le gardant pour lui quand elle est faible.

Vers un effondrement des prix après 2025 ?

Cette stratégie devrait s’avérer payante à court et moyen terme, les prix du GNL devant rester très élevé jusqu’en 2025. Un rapport de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis prévoit toutefois une baisse, voire un effondrement des cours en 2025-2027.

Le document anticipe une baisse de la demande de certains gros importateurs, comme le Japon et la Corée du Sud, qui prévoient de réduire la part du GNL dans leur mix énergétique à 17% et 9,3% respectivement, d'ici 2030. L’Union européenne devrait voir sa consommation de gaz baisser, de 175 milliards de m³ en 2022 (un niveau pourtant historiquement bas) à 150 milliards de m³ en 2030 (même si le GNL risque de rester crucial).

Une hausse de l’offre de GNL sans précédent en 2025-2027

Mais surtout, l’offre de GNL devrait connaître un boom sans précédent durant ces trois années, avec de nouvelles capacités d’exportation venues des quatre coins du monde : Golfe du Mexique, Qatar, Australie, Canada, Nigeria, Mexique, Mozambique et Russie.

En 2025, les capacités d’export mondiale devraient ainsi augmenter de 17 millions de tonnes, puis, en 2026, d’un record de 64 millions de tonnes, et enfin de 37 millions de tonnes en 2027. Soit 118 millions de tonnes en 3 ans – l’équivalent de toutes les importations européennes de 2022, ou 30 % du commerce mondial de GNL de cette même année !

Le rapport prévoit donc un effondrement des cours, qui pourraient frapper de plein fouet les pays exportateurs, et renforcerait le risque d’actifs échoués. De son coté, l’Union européenne sait qu’elle doit encore faire face à deux hivers où l’approvisionnement gazier pourrait être problématique (2023-2024 et 2024-2025), avant de voir la situation se détendre. Cette baisse des cours pourrait également mettre à mal la stratégie chinoise de contrats à long terme.

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