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Quelles propositions de l’Union européenne pour le marché du gaz ?

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Ce 20 et 21 octobre 2022, les dirigeants des vingt-sept États membres de l’Union européenne se réuniront pour formaliser leurs solutions à l’explosion des prix du gaz. La Commission européenne a dévoilé un ensemble de propositions, ce 17 octobre 2022, dont la réforme de l’indice de référence des prix du gaz en Europe, le TTF néerlandais, et l'obligation d'au moins 15 % d’achats de gaz groupés l’année prochaine. En revanche, le plafonnement des prix à l’importation semble enterré sans cérémonie ni couronne.

Voici une belle victoire diplomatique (une de plus !) pour l’Allemagne au sein de l’Union européenne ! L’hypothèse d’un plafonnement des prix du gaz à l’importation, réclamée par une quinzaine d’États membres, France en tête, envisagée par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, début octobre 2022, ne figurera probablement pas à l’ordre du jour du sommet européen de ces 20 et 21 octobre.

Le plafonnement des prix du gaz mis de coté par la Commission

Pourtant, jusque ce lundi 17 octobre au soir, les ambassadeurs des États membres travaillaient sur différentes formules de plafonnement, avec des règles et des contraintes variées, afin de convaincre la Commission de retenir quelques options pour en discuter avec les cheffes et chefs de gouvernement réunis en cette fin de semaine.

Mais, à la publication officielles des mesures mises sur la table par l’exécutif européen, ce 18 octobre 2022, le mot plafonnement avait disparu. L’Allemagne (et ses alliés néerlandais ou autrichiens) était vent debout contre cette proposition. Certes, elle aurait permis de faire baisser les prix d’achat du gaz par l’Europe, mais Berlin craignait qu’elle limite les importations de certains pays, préférant livrer leur GNL à des pays mieux offrant, Chine en tête.

L’exécutif européen se concentre sur les mesures avec « un consensus maximal »

Or, l’Allemagne a désespérément besoin de gaz, et est d’ailleurs beaucoup critiquée pour acheter « tout ce qu’elle peut » sur les marchés internationaux, souvent à n’importe quel prix, imposant une concurrence insoutenable à d’autres États européens moins fortunés.

En tout état de cause, Berlin semble avoir eu gain de cause sur ce dossier explosif, preuve que, même affaiblie, l’Allemagne reste le leader de facto de l’Union européenne. La Commission européenne a d’ailleurs reconnu que les mesures proposées sont celles qui "font l'objet d'un consensus maximal", et qui devraient donc être adoptée sans provoquer trop de heurts.

Réformer l’indice TTF du gaz naturel

Les propositions de la Commission pour réduire les tarifs du gaz s’articulent autour de deux grands piliers. Le premier est d’attaquer le souci à la source, et de rénover le système de fixation des prix du gaz dans l’Union européenne, notamment via une réforme de l'indice du marché gazier TTF, qui sert de référence aux transactions des opérateurs européens.

Selon la Commission, l’envolée de l’indice néerlandais est actuellement alimentée « artificiellement » par la spéculation – comme une reconnaissance à mots couverts que le marché autorégulateur est un pur modèle mathématique n’ayant que peu à voir avec l’économie réelle.

La Commission propose de le remplacer d’ici six mois par un indice alternatif plus représentatif des approvisionnements réels. Oui, la Commission propose bel et bien de réguler un marché pour qu’il corresponde davantage à la réalité. Comme quoi, l’ordo-libéralisme n’est définitivement pas une fatalité…

Corridor dynamique des prix

En attendant de mettre en place ce nouvel indice (qui promet de longues batailles dans les salons de Bruxelles pour trouver un consensus), Bruxelles veut mettre en place "un mécanisme temporaire" pour corriger les prix du gaz.

Selon une source européenne, l’exécutif européen va proposer la mise en place d’un "corridor dynamique" (fourchette flexible au sein de laquelle les prix seraient autorisés à fluctuer) pour encadrer les transactions sur le marché TTF. Objectif : tempérer la volatilité et éviter toute envolée brutale. Ce qui revient à fixer un prix plafond à court terme, et donc, une régulation forte de ce marché.

Achats communs de gaz fossile

Le second pilier est d’imposer aux États membres des achats communs de gaz pour remplir les réserves en vue de l’hiver 2023-2024, à hauteur de 15 % de leurs achats. Objectif de la mesure : obtenir de meilleurs prix auprès de fournisseurs "fiables" (Norvège, États-Unis...) et éviter que les États membres ne se fassent concurrence entre eux – un pavé dans la cour de l’Allemagne.

En effet, si la situation semble sécurisée pour l’hiver 2022-2023 (les réserves sont pleines, et elles ont été remplies en partie avec du gaz russe), la Commission se place, pour les deux hivers suivants, dans le scénario très probable d’une rupture totale des importations de gaz russe (assez proche, d’ailleurs, de la situation actuelle).

Dans cette optique, Bruxelles estime qu’il manquera à l’Union européenne jusqu'à 100 milliards de m³ pour passer les hiver 2023-2024 et 2024-2025. Un volume qui devra être compensé, en majorité, par des importations de GNL.

15 % du stock devra être acheté en commun

« Il y a une vraie logique à se grouper, car les sources d'approvisionnement vont changer. Le GNL va remplacer le gaz russe acheminé par gazoduc, avec l'apparition de nouveaux acheteurs comme l’Allemagne », juge Ed Cox, analyste chez ICIS pour les Echos.

L’Allemagne va en effet se doter de plusieurs terminaux méthaniers d’ici l’hiver prochain, et pourrait donc acheter sur les marchés internationaux pour une livraison directe.

La Commission veut imposer aux Etats-membres de se grouper pour acheter, ensemble, « au moins 15 % de leurs volumes stockés ». « Le fait qu'il y ait une obligation, même pour un volume limité, est important pour que le mécanisme soit efficace. L'Allemagne n'y était pas favorable à l'origine mais il semble qu'elle s'y soit finalement ralliée », estime Simone Tagliapietra, de l'institut Bruegel.

Remplissage des réserves de gaz, vers des saisons 2 et 3 palpitantes

La Commission veut aussi autoriser la mise en place de consortium d’achat entre géants européens du secteur pour obtenir des prix plus bas, un procédé jusqu’ici interdit au nom de la sacro-sainte concurrence.

Reste à savoir si l’ensemble de ces mesures seront adoptée telles quelles par les dirigeants des Vingt-Sept et si elles permettront de limiter l’explosion des prix. Sachant que la Chine pourrait voir sa demande augmenter l’année prochaine, et que les infrastructures pour importer davantage de gaz de Russie vers la Chine ne seront pas achevées à court terme, la demande de gaz menace de dépasser encore l’offre sur les marchés.

Et comme les États-Unis ou le Qatar ont signé de nombreux contrats sur le long terme avec d’autres pays, pas sûr que l’Union européenne s’y retrouve. Le feuilleton du remplissage des réserves de gaz menace donc d’être autrement plus riche en cliffhangers pour les saisons 2 et 3 qui s’annoncent...

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