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Comment la Grèce se désengage progressivement du gaz russe

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Fin janvier 2023, des sources proches du dossier ont annoncé un prochain désengagement de Gazprom de la coentreprise Prometheus Gas, qui serait rachetée intégralement par le partenaire grec Copelouzos Group. Prometheus Gas assure depuis 1991 l’importation en Grèce de gaz russe, qui représentait, avant l’invasion de l’Ukraine, 38 % de sa consommation gazière. Si le pays continue de recevoir du gaz russe via le gazoduc TurkStream, il a fortement réduit cette dépendance, et entend même, grâce à ses infrastructures de GNL, devenir le hub gazier (et énergétique) de l’Europe du Sud-Est.

Comme un symbole, Gazprom va sans doute se désengager prochainement de Prometheus Gas, une coentreprise 50/50 fondée en 1991 avec le groupe grec Copelouzos. Le 31 janvier 2023, une source proche du dossier a ainsi indiqué à l’AFP que « le conseil d’administration de Gazprom a décidé de mettre fin à sa participation dans Prometheus Gas S. A. ».

Gazprom va revendre à Copelouzos ses actifs dans Prometheus Gas

Un responsable de Copelouzos ayant requis l’anonymat affirme qu'il s'agit « d'un divorce par contentement en raison surtout de la guerre en Ukraine et des sanctions européennes ».

Copelouzos devrait racheter prochainement l’ensemble des parts détenues par Gazprom. Prometheus Gas avait en charge l’importation et la commercialisation du gaz russe sur le marché grec, ainsi que la participation aux développements d’infrastructures gazières facilitant l’acheminement et la vente de ce gaz.

Le contrat de fourniture devrait se poursuivre jusqu’en 2027

A l’origine, Prometheus Gas disposait également d’un important contrat de fourniture annuelle de gaz russe, en parallèle avec celui de la compagnie gazière publique DEPA. Progressivement, les niveaux avaient baissé ces dernières années.

Pour autant, le départ de Gazprom du consortium ne signifie pas la fin des livraisons ou la rupture de cet accord d’approvisionnement : « le contrat actuel en cours arrivera à terme en décembre 2027, comme prévu », indique la même source chez Copelouzos.

Dépendant à 38 % du gaz russe en 2021, la Grèce a baissé sa consommation de gaz de 19,2 % en 2022

En 2021, la Grèce importait 38 % de son gaz fossile de Russie, majoritairement via le gazoduc TurkStream. Si ce dernier n’a pas été affecté par les prétendus soucis techniques des gazoducs acheminant le gaz vers l’Allemagne (Nord Stream 1 en tête), la quantité de gaz russe importé par la Grèce « a diminué considérablement depuis l’année dernière et le prix a augmenté », précise la source anonyme.

Le pays s’est d’ailleurs démené au cours de l’année 2022 pour réduire sa dépendance au gaz russe. D’abord par des efforts de sobriété, avec une consommation gazière annuelle en baisse de 19,2 % par rapport à 2021, avec un total de 56,5 TWh. Durant les cinq premiers mois (août-décembre 2022) de la période de huit mois où l’Union européenne visait 15 % de réduction de consommation de gaz fossile, la Grèce a dépassé l’objectif, à -18,2 %.

Une hausse des importations par GNL de 54 %

La Grèce a ensuite diversifié ses approvisionnement, notamment via le GNL, en faisant tourner à plein son terminal de Revythoussa. Les importations via ce terminal de stockage et de regazéification ont bondi de 54 % entre 2021 et 2022. Sur le mois de décembre 2022, le GNL représentait 74 % des importations grecques de gaz fossile.

Fin septembre 2022, DEPA avait d’ailleurs signé un accord avec TotalEnergies, garantissant la livraison de deux cargaisons de GNL par mois pendant cinq mois, jusqu’en mars 2023, correspondant en tout à une consommation de 10 TWh (soit 18 % de la consommation annuelle de 2022). Ces dix livraisons couvrent à elles seules près de 100 % des importations de gaz russe de 2021, à un prix découplé du TTF néerlandais. L’accord offre une certaines souplesse à DEPA, qui peut choisir de ne pas prendre livraison du gaz, en échange de pénalités.

Une baisse de 68,3 % des importations de gaz russe

Au final, les importations de gaz russe sur l’ensemble de l’année 2022 ont baissé de 68,3 % en Grèce par rapport à 2021. Le pays poursuit ses efforts de diversification, et va se doter d’un nouveau terminal GNL, à Alexandroupolis : d’une capacité de regazéification de 5,5 milliards de tonnes de gaz fossile par an, détenu à 20 % par la Bulgarie voisine, il devrait entrer en service à la fin de l’année 2023.

Un consortium formé par Damco Energy (une filiale du groupe Copelouzos), Public Power Corp. (PPC), la plus grande compagnie d'électricité de Grèce, et DEPA va par ailleurs construire dans le port d’Alexandroupolis une centrale au gaz d’une puissance installée de 840 MW, reliée directement au terminal GNL. Elle remplacera trois centrales au lignite en cours de démantèlement.

« Un nouveau pilier énergétique est créé pour l'Europe du Sud-Est »

Via les interconnexions gazières et électriques, la Grèce veut ainsi devenir un véritable hub énergétiques du sud-est de l’Europe. "Nous sommes ici pour accueillir un projet qui change le paysage énergétique : la Grèce est désormais protégée, elle acquiert la suffisance énergétique », a déclaré Christos Copelouzos, PDG du groupe Copelouzos, lors de la cérémonie du 14 janvier 2023 annonçant le projet de centrale.

« Dans le même temps, un nouveau pilier énergétique est créé pour l'Europe du Sud-Est, car notre pays sera en mesure d'exporter de l'électricité vers les États voisins des Balkans, vers la Bulgarie, la Macédoine du Nord et même la Serbie », ajoute-t-il.

« Athènes prend une revanche sur Berlin »

Un second terminal GNL est également en travaux sur les côtes grecques, actant le virage énergétique du pays. « Athènes prend une revanche sur Berlin. L’Allemagne se rêvait en hub gazier européen, grâce aux gazoducs Nord Stream 1 et 2 qui la relient directement à la Russie en passant sous la mer Baltique. Finalement, c’est la Grèce qui jouera ce rôle, à plus petite échelle, certes, en fournissant du gaz à la Bulgarie privée de gaz russe », juge Thierry Bros, professeur à Sciences Po.

Le pays va également se doter d’une liaison électrique avec l’Egypte, a lancé cet hiver de nouvelles explorations pour repérer des champs gaziers offshore exploitable dans son espace maritime, et se pose en port d’accueil pour des cargaisons de GNL issues de l’exploitation du gaz en Méditerranée orientale par Israël ou le Liban. De quoi lui donner une place incontournable dans les évolutions énergétiques de toute la Méditerranée orientale et de tout le sud-est européen.

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