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GNL : le Sénégal au soutien de l’Allemagne ?

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L’Allemagne continue de travailler à limiter sa dépendance au gaz russe, craignant une rupture d’approvisionnement, et multiplie pour cela négociations et investissements. Fin mai 2022, le premier ministre Olaf Scholz, durant sa première tournée africaine, a ainsi fait une escale remarquée au Sénégal, où il s’est entendu verbalement avec le président Macky Sall pour soutenir la valorisation des réserves de gaz offshore du pays en échange d’une option sur le GNL ainsi produit. Il a au passage apporté son soutien à l’exploitation des gisements de combustibles fossiles des pays en développement, malgré l'urgence climatique.

La crise provoquée par l’invasion de l'Ukraine par la Russie, et les craintes qu’elle fait peser sur les approvisionnement de l’Union européenne en gaz naturel, secouent fortement l’Allemagne.

L’Allemagne est le pays d’Europe le plus dépendant des importations de gaz russe

Le Kremlin a déjà ordonné à Gazprom de cesser de livrer les pays européen qui ont refusé le diktat de Moscou de payer leur gaz en roubles – Pologne, Bulgarie, Finlande, Pays-Bas, Danemark.

Mais l’Allemagne a été contrainte de céder aux injonctions de Vladimir Poutine, et pour cause : elle est, de loin, l’économie européenne la plus dépendante, en volume total, du gaz russe. Le pays a ainsi importé, en 2021, plus de la moitié de son gaz de Russie.

Allemagne : le pari perdu du gaz, des gazoducs et de la Russie

Et l’Allemagne consomme beaucoup de gaz : 50 % des foyers sont chauffés avec, et il est au coeur de la stratégie de transition énergétique du pays sur le volet électrique – abandon du nucléaire, développement des renouvelables intermittents (éolien notamment), remplacement du charbon par le gaz pour les indispensables centrales pilotables.

Si le pays devait se passer du gaz russe du jour au lendemain, il ne pourrait éviter une crise énergétique de grande ampleur, et plongerait immédiatement en récession. L’Allemagne se démène donc pour trouver de nouveaux fournisseurs, et est contrainte de se tourner vers le GNL.

Là aussi, le pari industriel de tout miser sur les gazoducs et la Russie (notamment via la construction de Nord Stream 2), et de n’investir dans aucun terminal méthanier, se referme comme un piège sur l’Allemagne.

Berlin accélère sur les infrastructures de GNL et sur de nouveaux fournisseurs

Le pays a donc décidé de louer en urgence entre trois et quatre terminaux méthaniers flottants, et a mis les bouchées doubles dans la réalisation de ses deux projets de terminal de regazéification, le premier sur l’embouchure de l’Elbe, d’une capacité de 8 milliards de m³, dont les travaux ont déjà commencé, le second dans le Nord du pays.

Mais, au-delà des infrastructures, le pays doit aussi trouver des fournisseurs de GNL. Des discussions sont en cours avec les États-Unis, les Canada, la Norvège, et le pays va renforcer sa collaboration énergétique bilatérale avec le Qatar.

Olaf Scholz a visité le Sénégal, qui dispose justement d’un vaste champ gazier offshore

Dans ce contexte, rien d’étonnant à ce que la visite en Afrique du nouveau chancelier Olaf Scholz, fin mai 2022, ait fait escale à Dakar. Il l’a d’ailleurs reconnu : « C’est mon premier voyage en tant que chancelier fédéral sur le continent africain, et j’ai très consciemment choisi le Sénégal comme première étape ».

Le Sénégal et la Mauritanie possèdent en effet un gisement de gaz offshore au large de leurs côtes, de part et d’autre de leur frontière maritime, le GTA (Grande Tortue Ahmeyim), dont les réserves sont estimées à 1 400 milliards de m³. Les recettes totales, que les deux pays se partageront, sont évaluées entre 80 et 90 milliards de dollars sur 20 ans.

Le gisement GTA sera mis en service fin 2023

Les travaux de forage sont actuellement en cours, ils auraient même du être achevés cette année sans la pandémie de Covid-19, qui a ralenti les travaux : la mise en service est prévue pour fin 2023, avec une capacité annuelle de 2,5 millions de m³ dès 2024, qui augmentera progressivement pour atteindre 10 millions de m³ en 2030.

Et c’est peu dire que l’Allemagne lorgne sur cette manne providentielle. Le pays développe déjà des projets d’énergies renouvelable ou de stockage de l’énergie au Sénégal, et souhaite étendre cette collaboration au gaz.

Macky Sall et Olaf Scholz prêts à travailler de concert pour exploiter le gaz sénégalais

Sur le principe, le président sénégalais Macky Sall et Olaf Scholz semblent sur la même longueur d’onde, comme ils l’ont affirmé durant une conférence de presse commune, même si aucun contrat ou engagement n’a été formalisé.

« Nous sommes prêts, le Sénégal en tout cas, à travailler dans une perspective d’alimenter le marché européen en GNL. J’ai demandé au chancelier de nous accompagner pour le développement de ces ressources de gaz, pour la production de GNL à partir de l’Afrique vers l’Europe, et aussi pour le gas-to-power [la production électrique locale assurée par des centrales au gaz, NDLR]», a ainsi affirmé Macky Sall.

Les discussions sur le gaz devraient se poursuivre de "manière très intensive" au niveau des experts "parce que cela a du sens" et qu'il "est dans notre intérêt commun d'accomplir des progrès", a assuré de son coté Olaf Scholz.

Un plaidoyer pour laisser les pays en développement exploiter leurs réserves de combustibles fossiles

Les deux chefs d’État se sont ensuite lancé dans un grand plaidoyer pour laisser les pays en développement, comme le Sénégal, exploiter leurs ressources en combustibles fossiles, malgré l’urgence climatique et la nécessaire baisse des émissions de gaz à effet de serre mondiales.

Macky Sall a réaffirmé sa position sur cette question, une opposition catégorique à l’arrêt des financements à l'exploitation des énergies fossiles, qu'imposerait pourtant la lutte contre le réchauffement climatique. Pour rappel, une vingtaine d'Etats, dont les Etats-Unis et la France, se sont engagés lors de la COP26 de 2021 à mettre un terme d'ici fin 2022 au financement à l'étranger de projets d'énergies fossiles sans techniques de capture du carbone.

Macky Sall a rappelé que l’Afrique est un continent d'1,3 milliard d'habitants, dont 600 millions n'ont pas accès à l'électricité. Les ressources fossiles peuvent de plus permettre de soutenir l’industrialisation : « dans ce contexte, n'étant pas les plus grands pollueurs puisque n'étant pas industrialisés, il serait injuste dans la recherche de solution (au réchauffement climatique) qu'on veuille interdire à l'Afrique d'utiliser les ressources naturelles qui sont dans son sous-sol », a-t-il affirmé.

Une concession diplomatique d’Olaf Scholz à la lutte contre le changement climatique

Il a même plaidé pour que « l’Afrique soit soutenue dans ce financement, par exemple en ce qui concerne la production de gaz ».

Olaf Scholz, qui compte dans sa coalition les Verts allemands, s’est montré moins enthousiaste, mais a défendu la même ligne de conduite : "Nous ne pouvons pas accepter qu'on empêche quelques pays dans le monde d'exploiter leurs possibilités" parce qu'ils n'avaient pas les capacités financières de le faire ou parce qu'ils n'en avaient pas encore eu l'occasion, a-t-il notamment affirmé.

Celai ressemble diablement à une nécessaire concession diplomatique, pour assurer le futur partenariat entre Sénégal et Allemagne sur le GNL.

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